Charançon offre la collection à peu près complète des personnages que Plaute aime à faire figurer dans ses pièces : on y trouve un parasite à panse rebondie, éborgné par quelque coupe qu’on lui aura lancée à la tête dans un festin ; un banquier parjure ; un marchand d’esclaves escroc, qui finit par être la dupe ; un militaire fanfaron, ivrogne, joueur : il ne manque que la vieille courtisane enseignant à la jeunesse comment on peut faire un honnête et lucratif commerce de ses charmes. Pour contraste, une jeune fille destinée à un métier qu’elle ne fera point, grâce à la reconnaissance qui termine la pièce ; un jeune amoureux d’un caractère assez rare dans la comédie ancienne, car s’il est ardemment épris, et s’il ressemble en cela à tous les amoureux de Plaute et de Térence, il montre en même temps une timidité qui pourrait faire croire à de la froideur.
À part l’exposition, qui est toute en action et qui remplit le premier acte, on peut dire qu’il y a peu d’action dans le Charançon ; ce n’est pas moins une des comédies les plus intéressantes de Plaute, non pour l’art dramatique, non pour le jeu des passions, mais pour les curieux renseignements dont elle abonde sur les mœurs de l’antiquité, et sur cette classe de gens qui se livraient dans Rome à toutes les industries honteuses. L’intermède que vient chanter le directeur de la troupe au commencement du quatrième acte mérite d’être lu à plus d’un égard. L’action languit, il est vrai, mais elle n’est pas nulle pour cela, et les traits de comique, tantôt fins, tantôt grossiers, ne sont pas plus rares dans cette comédie que dans les autres. Remarquons en passant que le parasite n’est pas ici un personnage purement épisodique, ne servant qu’à égayer la scène : c’est à juste titre que Charançon a donné son nom à la pièce ; c’est lui qui a été duper en Carie le militaire, et qui revient à Épidaure duper le marchand : il cumule donc le rôle de parasite et celui d’esclave fripon.
On a rapproché de la scène où le jeune amoureux chante à la porte de sa maîtresse, celle où le comte Almaviva vient donner une sérénade à Rosine ; ce rapprochement ne nous paraît nullement justifié. Pour un incident de ce genre, Beaumarchais n’avait nul besoin de s’adresser à Plaute : une sérénade sous un balcon est la scène obligée de toute pièce qui se passe en Espagne. Ce qui semble beaucoup plus vraisemblable, c’est que Molière, dans son Étourdi, s’est inspiré ça et là de Plaute, et peut-être lui a même emprunté en partie son intrigue :
Et l’achat fait, ma bague est la marque choisie,
Sur laquelle au premier il doit livrer Célie.
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Dès que par Trufaldin ma bague sera vue,
Aussitôt en tes mains elle sera rendue.