Le somptueux hôtel que le milliardaire William Boltyn occupait au numéro C de la Septième Avenue de Chicago, était, ce soir-là, en révolution.
Le maître de la maison, dissimulant son anxiété sous une froideur apparente, se refusait d’abandonner les récepteurs, en or massif, du téléphone qui reliait son cabinet de travail à la salle de la chambre des séances, au Capitole de Washington.
Vainement le timbre électrique l’avait averti que le lunch du soir était servi ; vainement le capitaine des cuisines et directeur du service de la bouche, Tom Punch, était venu le prévenir en personne, Tom Punch célèbre dans toute l’Amérique pour sa forte corpulence, son inépuisable gaieté, sa puissance presque incroyable dans l’absorption des liquides, et son entente des choses de la mangeaille.
Malgré toute la faveur dont il jouissait près du maître, il ne s’était attiré qu’une réprimande assez brutale.
La fille de William Boltyn, miss Aurora elle-même, n’avait pas été plus heureuse.
Aurora était une grande jeune fille, sérieuse, mince et blonde, exercée, dès sa plus tendre enfance, à tous les sports, depuis la bicyclette jusqu’à la photographie, depuis le tennis jusqu’au yachting.
— Mon père, dit-elle d’un air résolu, je connais l’importance de votre préoccupation, mais il serait pratique de prendre quelques aliments. Il est maintenant presque neuf heures du soir, et vous n’avez rien mangé depuis ce matin.
— Je ne mangerai rien avant de connaître le résultat de la séance.
— Mais père, si elle se prolonge dans la nuit ?
— Tant pis.
— Je pourrais te faire servir dans ton cabinet, ici-même, dit Aurora plus doucement.
— Je n’ai pas faim !… Crois-tu que je puisse avoir faim, dit-il avec une nuance de colère dans la voix et sans lâcher les récepteurs de l’appareil, peux-tu croire que j’aie faim lorsque je vois nos compatriotes se conduire avec tant de lâcheté ! Si nous nous en fions à nos représentants, la belle parole de Monroë : « L’Amérique aux Américains » ne sera plus qu’une dérision. Les États de l’Union auront été pillés, volés, par les Français, les Anglais, les Allemands, tous les parasites du Vieux Monde. Vous devriez comprendre cela, Aurora, vous dont j’ai voulu faire à tout prix une vraie Américaine.
La jeune fille n’insista plus.
Pendant que son père se donnait tout entier à la communication qui paraissait l’irriter si fort, Aurora se retirait dans sa chambre à coucher tendue de satin blanc avec applications de dentelles d’argent, et qu’éclairait au centre un monstrueux massif d’orchidées en verres polychromes, intérieurement illuminé par de minuscules lampes Edison.
Cette espèce de buisson vitrifié répandait un éclat très doux, où le bleu, le vert, le rose et l’orangé se mariaient agréablement.
À peine entrée, Aurora s’assit, et ne tarda pas à s’absorber dans la lecture d’un volumineux magazine illustré de photogravures, et qui relatait, avec de minutieuses explications, les découvertes scientifiques les plus récentes : rayons X, photographies en couleurs, fabrication artificielle du diamant, et le résultat des dernières recherches sur l’aviation. Un article spécial était consacré à l’argentorium, cette espèce d’or artificiel, obtenu avec de l’argent, et qu’il est impossible de distinguer de l’or véritable.
Mais qu’était-ce que William Boltyn ? Et comment avait-il gagné ses milliards ?
Cela vaut bien une explication.
Au physique, c’était un gentleman de forte stature, haut en couleur, le nez droit et osseux, le menton carré encore accentué par une barbiche roussâtre à la yankee, les pommettes saillantes, et les yeux d’un éclat dur et métallique. D’un esprit éminemment froid et concentré, d’une intelligence extrêmement lucide chaque fois qu’il s’agissait de chiffres et d’affaires, il avait l’art de réaliser, d’une façon pratique, les entreprises les plus osées.
À sa démarche toujours égale, à la rigidité presque automatique de ses mouvements, on eût dit que toutes ses actions étaient comme déterminées par un mécanisme intérieur. C’était le type de l’homme d’énergie par excellence.
Affichant un extrême mépris pour tout ce qui était beaux-arts ou littérature, il n’avait de tableaux, de statues chez lui, que pour ne pas rester en arrière des autres milliardaires, et aussi à titre de bon placement. Il ne voulait connaître que les affaires, et rien ne l’intéressait que les affaires.
Envers tous ceux qui l’entouraient, il se montrait d’une justice mathématique rendant à un cent près à chacun ce qui lui était dû, et rien de plus.
Toutes les choses de la vie étaient pour lui un marché qu’il pesait, débattait, et payait au plus juste prix, sans ladrerie comme sans générosité.
Il ne se relâchait de ce rigorisme industriel qu’en faveur de deux êtres : sa fille Aurora, pour laquelle il professait un véritable culte et qui lui avait fait commettre les seules folies de son existence, c’est-à-dire des prodigalités, et son sommelier Tom Punch, envers lequel il montrait une excessive indulgence.
Le sommelier, en effet, était une des rares personnes qui eussent le don d’amuser le milliardaire ; et de fait, l’aspect de Tom Punch n’était pas pour engendrer la mélancolie.
Haut de six pieds, et presque aussi large à proportion, il ressemblait pas mal à un fût de bière de mars, qui eût été le ventre, hissé sur deux autres tonneaux plus petits qui auraient été les jambes, le tout surmonté d’une tête rubiconde dont les joues, couleur lie de vin, pendaient au-dessous d’un nez en trompette aussi coloré qu’une tomate trop mûre.
Sur ses lèvres évasées comme l’embouchure d’un cor de chasse, errait un perpétuel sourire qui découvrait trente-deux dents d’une blancheur éclatante ; car Tom Punch avait autant d’appétit que de soif.
Ajoutons à cela qu’il ne manquait pas d’esprit.
Ses petits yeux gris brillaient de malice. Il avait toujours quelque drôlerie nouvelle à raconter, ou quelque farce excentrique à combiner.
Un jour, que son maître avait invité à sa table deux riches Anglais en rivalité avec lui dans une très grosse affaire, Tom Punch les avait si bien fait boire qu’ils n’avaient pu quitter l’hôtel de huit jours entiers. Quand ils sortirent, l’affaire avait été conclue à leur désavantage. Ils quittèrent Chicago en maugréant ; mais ils ne pouvaient s’empêcher de convenir que jamais ils n’avaient été si magnifiquement régalés, et que jamais ils n’avaient tant ri.
Tom Punch avait encore d’autres talents. Il grattait à ravir de cette sorte de guitare spéciale à l’Amérique et qu’on appelle le banjo. Cet instrument, qui se compose essentiellement d’un tambour de basque auquel on a ajouté un manche et que l’on a pourvu de cordes, est d’ailleurs d’un son horriblement monotone.
Nous avons dit que William Boltyn appréciait fort les talents culinaires et autres de Tom Punch ; et cela, d’autant mieux, qu’il n’avait pas toujours été le milliardaire illustre que nous venons de présenter aux lecteurs. Il était, comme on dit en France, le fils de ses œuvres ; et c’est en sabots qu’il avait fait son entrée à Chicago.
Fils de pauvres planteurs de coton du Kentucky, ruinés pendant la guerre de Sécession, il était resté orphelin à sept ans, sans ressources, sans famille et sans amis.
Mais il avait l’énergie et la ténacité qui accomplissent les grandes choses.
Il fit l’apprentissage de cent métiers divers : tireur de coke dans une usine à gaz, employé d’un photographe, garçon de bar, tireur de chaînes dans une fabrique d’indienne, chasseur de cavernes.
Il n’avait pas encore trouvé sa voie.
Enfin, au cours d’un voyage qu’il fit dans le Far West comme placier, pour le compte d’une importante manufacture d’engrais chimiques, il eut l’idée de la vaste spéculation sur les bestiaux qui devait l’enrichir.
Trouver un débouché aux immenses troupeaux des prairies de l’Ouest, qui, faute de consommateurs, se vendaient à des prix dérisoires, telle était la question.
William Boltyn la résolut après six ans d’un travail acharné.
Tout le monde connaît les abattoirs, grands comme une ville, qu’il possède à Chicago, et qui sont les plus vastes du monde.
Là, jour et nuit, se déversent des trains entiers de bétail venus de tous les coins de l’Amérique.
Les animaux, saisis dès leur arrivée, par des grappins d’acier automatiques, mus par de formidables machines, sont, en quelques minutes, égorgés, échaudés, écorchés, dépecés.
Les peaux, épilées électriquement, sont entassées dans un immense hall, tandis que le sang et les entrailles sont dirigés, par le moyen d’un égout spécial, vers une usine située plus loin, où ils sont transformés en engrais.
Quant à la viande, une grande partie est expédiée pour être débitée fraîche dans les villes voisines.
Le reste est transformé en conserves, en bouillons concentrés, en préparations desséchées ou fumées qui peuvent se garder plusieurs années.
À Chicago, ville monstrueuse, tête de ligne de soixante-deux chemins de fer, et qui s’est improvisée en quelques années, William Boltyn était propriétaire, outre son hôtel et ses abattoirs, de plusieurs maisons à douze ou à quinze étages.
Ces bâtiments n’ont rien de commun avec ce que l’on peut voir en Europe.
Immenses blocs cubiques, percés de trous carrés, sans aucune grâce et sans aucune ornementation, ils se composent d’une charpente en acier forgé, très solide, dont les intervalles sont simplement remplis par des murs de briques très légers. Le poids de l’édifice porte donc sur la cage de métal, et non pas sur les murs ; ce qui fait que, lorsque la charpente d’acier est installée, on commence à bâtir en même temps par le haut et par le bas.
Et ce n’est pas une médiocre surprise, pour les Européens qui se trouvent pour la première fois en face de ces constructions, que de voir les étages supérieurs entièrement terminés, alors que ceux d’en bas ne sont encore qu’à l’état de carcasses.
Munie d’ascenseurs et de téléphones, éclairée et chauffée à l’électricité, chacune de ces maisons est un tout complet où l’on trouve, sans déplacement, le boucher, le boulanger, le tailleur, parfois même l’église et le concert en plein vent, établis sur la plus haute plate-forme.
Les étages d’en bas sont occupés par des remises et des entrepôts ; il n’est pas rare de voir des écuries installées au deuxième et au troisième étage. Chaque matin et chaque soir, les chevaux sont hissés sur l’ascenseur, avec les autres habitants de la maison.
On peut se rendre compte, par les détails qui précèdent, de la fortune princière de William Boltyn.
Il n’avait guère de rivaux en richesses que ce Mackay, qu’on a surnommé le pape de l’or, et Vanderbilt, le roi des chemins de fer.
Les conserves à sa marque étaient vendues par milliers de boîtes dans l’univers entier. Il était le fournisseur attitré de plusieurs armées européennes.
Mais il aurait voulu plus encore.
Depuis quelque temps, il se livrait à de grandes démarches et répandait l’or à profusion dans le but de créer, en Amérique, un mouvement d’idées favorable à la guerre ; et voici à quel mobile obéissait le milliardaire :
William Boltyn rêvait de faire des États de l’Union la première puissance du monde. Démesurément ambitieux, ayant nettement conscience de la force que lui donnaient ses milliards, il n’espérait rien moins que de devenir un jour une sorte d’empereur du capital, que l’univers entier saluerait avec respect.
Ses théories sur ce point étaient formelles.
— Nous autres, Yankees, disait-il, nous sommes le peuple le plus industriel, le plus grand producteur du globe. Grâce à notre activité, à notre entente pratique, à notre génie commercial, en un mot, grâce à nos qualités extrêmement développées d’hommes d’action, nous sommes parvenus, en moins d’un siècle, à donner à notre industrie et à notre commerce un développement qui n’a jamais été atteint par aucune nation européenne. Notre civilisation est établie sur des bases solides, et nous ne nous embarrassons pas de ce fatras d’idées arriérées dont se payent les hommes du Vieux Monde.
« Donc, concluait-il, l’avenir est à nous. Les produits de nos usines et de nos manufactures inondent l’univers. Nous n’avons qu’à le vouloir, et nous serons les maîtres du monde.
C’était justement à ce sujet que William Boltyn accusait ses compatriotes de manquer d’énergie et de décision.
— Comment ! disait-il, notre Parlement accepte docilement que nos produits soient frappés de taxes exorbitantes à leur arrivée sur le sol européen. Il n’a pas l’audace d’imposer les traités de commerce qu’il nous faudrait pour que nous puissions donner une libre extension à notre production.
— Mais, disaient les hommes d’État, nous ne sommes pas en état de soutenir nos prétentions, de faire respecter notre volonté. La dernière guerre coloniale, où nous n’avons été vainqueurs qu’au prix de beaucoup d’efforts et de sacrifices, nous a démontré l’infériorité de notre armée et de notre flotte. Si nous prenons une attitude belliqueuse, les puissances européennes se coaliseront. Nous aurons à lutter contre les armées et les flottes réunies de la Russie, de l’Angleterre, de la France, de l’Allemagne ; ce serait agir follement que de nous placer dans cette situation. Bornons-nous d’abord à combattre sur le terrain économique.
— Et nos milliards ! Pour quoi les comptez-vous ? s’écriait William Boltyn, que ce raisonnement exaspérait. Une armée ! une flotte ! pour faire respecter nos droits ! Mais nous les aurons lorsque nous le voudrons, nous devrions les avoir depuis longtemps, si les hommes qui composent le Parlement étaient de vrais Yankees, résolus et audacieux. Ce ne sont pas les dollars qui nous manquent ! Nos ingénieurs sont aussi savants, aussi expérimentés que ceux du Vieux Monde. Eh ! bien, qu’on vote donc des crédits, qu’on construise des arsenaux et des ports de guerre, et qu’on tienne enfin un langage énergique aux Européens ; que nous n’ayons plus l’air de trembler en présence de ces puissances qui nous sont inférieures à tous les points de vue.
Dans les conversations qu’il avait avec les hommes d’État les plus influents de l’Union, William Boltyn ne disait pas tout ce qu’il pensait. Il n’avouait pas ses rêves de domination universelle. Il parlait au nom du peuple américain, alors qu’en réalité, il se souciait fort peu du bonheur de ses compatriotes. L’égoïsme chez lui était profondément enraciné. Dans tout ceci, une chose surtout l’intéressait : si les États de l’Union s’engageaient dans la voie des armements, si les taxes qui frappaient les produits américains lorsqu’ils entraient en Europe étaient supprimées, il pourrait donner à ses usines de conserves une extension formidable ; en peu de temps, il doublerait, il décuplerait sa fortune. Et c’était là son rêve, être l’homme le plus riche de l’univers, celui qui pourrait à sa guise bouleverser le monde, et dont la volonté ne connaîtrait pas d’obstacles.
Aussi, ne négligeait-il aucune occasion de répandre ses idées, d’attiser chez ses compatriotes la haine des Européens. La résistance, qu’il rencontrait à la Chambre des représentants de Washington, le mettait hors de lui-même. Il s’était juré de vaincre, et, depuis plus d’un an, tous ses efforts avaient été dirigés vers ce but.
Semant les dollars à pleines mains, Boltyn espérait émouvoir l’opinion publique. Des journalistes, à sa solde, avaient entrepris une campagne dans les principaux périodiques de l’Union. Dans toutes les villes des États-Unis, il avait fait organiser des conférences, des meetings, où des orateurs éloquents avaient prêché, sur tous les tons, la nécessité de construire des arsenaux, d’augmenter la puissance des armées de terre et de mer.
Enfin, au parlement même, il avait été assez habile pour s’assurer le concours – intéressé il est vrai – d’un certain nombre d’honorables représentants qui n’avaient pas marchandé leur éloquence.
Dans un salon retiré de l’hôtel de la Septième Avenue, le milliardaire conférait souvent avec eux, sur les moyens à employer pour la direction à donner à la campagne politique. Ces entretiens secrets se prolongeaient souvent fort avant dans la nuit.
Depuis quelques jours surtout, l’agitation, l’énervement de William Boltyn s’étaient accrus d’une façon subite. Grâce aux manœuvres des représentants à sa solde, le Parlement allait discuter le fameux projet de loi. Il s’agissait de faire coïncider le vote d’un crédit de deux cents millions de dollars, destinés à créer une flotte, à mettre sur pied une armée, en vue d’une modification complète de la politique yankee vis-à-vis de l’Europe.
Le matin même, d’après les rapports de ses intermédiaires, William Boltyn se croyait encore sûr de triompher. Mais, depuis plusieurs heures que, l’oreille collée aux récepteurs du téléphone, il suivait anxieusement les débats, sa conviction faiblissait de plus en plus.
Comme minuit allait sonner à l’horloge électrique de son cabinet de travail, le milliardaire interrompit la communication et poussa un juron formidable.
Le projet de loi était rejeté.
Mais, William Boltyn n’était pas de ceux qui perdent du temps à se lamenter sur un insuccès. Après dix minutes de réflexion, il avait repris tout son sang-froid.
Ce fut d’un air absolument calme, et avec un tranquille appétit, qu’il absorba la collation de rôties au fromage, de thé et de sandwichs, qui lui avait été préparée par les soins de Tom Punch.
Comme il se disposait à rentrer dans sa chambre à coucher, au plafond et aux murs dorés avec plus de richesse que de bon goût, il sentit une petite main se poser sur son épaule.
C’était celle d’Aurora.
Très intelligente, très sérieuse, connaissant admirablement les affaires de son père, elle n’avait pu s’endormir avant de savoir le résultat du fameux vote.
Elle priait son père de lui consacrer quelques instants.
— Eh bien, mon père, nous avons triomphé ?
— Non, ma fille, dit le milliardaire d’un ton grave. Le projet de loi est rejeté.
— Ah ! fit Aurora, sans donner plus de marques d’étonnement et de désappointement.
— Oui, continua le milliardaire en s’animant par degrés, le Congrès des États de l’Union est en train de devenir une assemblée comme les autres. Ceux qui le composent n’ont plus ni audace, ni ambition, ni sens pratique.
« Au lieu de protéger, d’imposer même aux vieux pays arriérés, les produits de l’industrie américaine, la plus florissante et la plus riche du monde, ils pactisent avec les autres États et traitent les industriels étrangers sur le même pied que les nôtres.
« Après l’échec que je viens de recevoir, bien d’autres que moi congédieraient leurs ouvriers, démoliraient leurs usines, et iraient vivre en Europe.
« Mais il ne sera pas dit que moi, William Boltyn, j’aie été une fois dans ma vie empêché de faire ce que je voulais.
— Mon père, je comprends parfaitement votre ressentiment. S’il m’est possible de vous aider, vous savez que ce ne sont ni les travaux ni les voyages qui m’effraient.
— Ma fille, je compte en effet sur toi.
— Mais que voulez-vous faire ?
— Jusqu’à demain c’est mon secret.
— Bien, mon père.
— À propos, tu diras à Tom Punch de passer immédiatement chez moi.
Aurora s’esquiva.
Quand William Boltyn pénétra dans sa chambre, Tom Punch s’y trouvait déjà.
Le milliardaire lui fit signe de s’asseoir devant un vaste bureau à cylindre sur lequel reposait une machine à écrire ; et quelques instants après, l’avis suivant se trouvait dix fois mécaniquement reproduit :
M. S. William Boltyn,
A l’honneur de prévenir Messieurs …………… qu’il les attend aujourd’hui, et qu’il les prie, toute affaire cessante, de se rendre à l’invitation qui leur est faite dans un commun intérêt.
En toute cordialité
WILLIAM BOLTYN,
N° C de la Septième Avenue.
Sous la dictée du milliardaire, Tom Punch qui, comme on vient de le voir, était aussi bien homme de confiance que cuisinier, adressa la convocation à une dizaine de personnages, tous grands industriels et grands propriétaires.
Voici leurs noms :
Harry Madge, directeur du Club général du spiritisme et propriétaire de vastes plantations de coton.
Fred Wikilson, fabricant de torpilles et président de la Compagnie des aciéries américaines.
Staps-Barker, entrepreneur de voies ferrées.
Wood-Waller, concessionnaire de l’éclairage électrique dans plusieurs grandes villes de l’Union.
Sips-Rothson, distillateur.
Philips Adam, marchand de forêts.
Samson Myr et Juan Herald, tous deux propriétaires de chasses au Far West.
Un seul des personnages, que voulait convoquer William Boltyn, fut honoré d’une lettre autographe du milliardaire.
C’était le célèbre Hattison, l’inventeur électricien connu de toute l’Amérique et de tout l’univers.