La comédie intitulée la Cassette, est une de celles que le temps a le plus maltraitées. La découverte de nombreux fragments que M. Angelo Mai a extraits, en 1815, d’un palimpseste, et la restitution que M. Benoît, un humaniste distingué, a tentée non sans succès, prouvent surabondamment que les parties les plus délicates peut-être de l’ouvrage ne sont pas venues jusqu’à nous. Il nous a semblé inutile de chercher à remettre à leur place les fragments découverts ; on y a trop de lacunes à regretter encore et ils ne présentent pas assez de suite pour qu’on puisse les lire avec intérêt dans une traduction française.
Au point de vue de l’art, mais en tenant grand compte de ces mutilations dont nous venons de parler, on peut reprocher à la Cassette de n’avoir pas une intrigue assez nouée ni assez suivie ; l’exposition même, partagée entre une vieille courtisane et le dieu Secours, n’a pas la clarté des autres expositions de Plaute. Mais ce qui fait de cette pièce une des plus charmantes de tout son théâtre, c’est l’heureuse opposition qu’il a établie entre les deux jeunes filles élevées par des courtisanes. L’une, Gymnasie, s’est habituée et résignée assez vite à toutes les hontes de son métier : « Tous les jours, dit sa mère, elle épouse quelqu’un, et je ne la laisse jamais coucher veuve. » L’autre, Silénie, s’est conservée pure au milieu de cette corruption, ou plutôt elle ne s’est donnée qu’à un seul, à celui qu’elle aimait, et tous ses sentiments sont d’une exquise délicatesse. C’est incontestablement la physionomie de femme la plus honnête et la plus fraîche du théâtre de Plaute : la Cassette repose et délasse de Casina. Toutefois, à côté de Silénie, on aperçoit, contraste repoussant, la mère de Gymnasie, courtisane émérite, gourmande, buveuse, cupide, bavarde, qui trafique des charmes de sa fille (c’est tout ce qu’elle a pour vivre !) et ne rougit pas d’étaler toutes ses turpitudes morales dans le langage le plus éhonté.
Nous ne connaissons pas d’imitation de la Cassette, et nous sommes surpris qu’une pièce si agréable, à tout prendre, n’ait tenté aucun comique moderne.