[Note 1] Je pourrais, si je ne craignais point de lasser la patience de mes lecteurs, citer un fait à l’appui de chacune de mes paroles : aussi, je n’en choisis qu’un parmi une foule d’autres qui tous pourraient servir à prouver la vérité de ce que j’avance ici.
Un jeune étudiant est refusé lors de son dernier examen ; il prétend que l’on a été injuste à son égard ; son esprit s’exalte et de suite il court chez celui de ses professeurs auquel, à tort ou à raison, il attribue sa mésaventure, et il dirige sur lui le pistolet dont il était armé ; le professeur est assez heureux pour échapper à la mort qui lui était réservée. Quelques jours après cette tentative d’assassinat, le jeune étudiant fut arrêté par moi, et par suite traduit devant la cour d’assises de la Seine.
Il ne chercha pas à nier la tentative criminelle que la vindicte publique lui reprochait, mais il prétendait ne pouvoir s’expliquer à lui-même comment, avec le caractère dont il était doué, il avait pu se déterminer à commettre une semblable action.
L’avocat de ce jeune homme chercha à établir que son client était en démence, et qu’il ne jouissait pas du libre exercice de ses facultés lorsqu’il avait voulu assassiner son professeur ; il cita des faits de nature à prouver qu’il était doué d’un caractère qui rendait, en quelque sorte, inexplicable le crime qu’il avait voulu commettre ; faits qui du reste furent confirmés par les déclarations de plusieurs témoins honorables.
Ce système de défense fut parfaitement accueilli ; on posa cette question au jury :
« L’accusé jouissait-il du libre exercice de ses facultés lorsqu’il a commis le crime qui fait l’objet de l’accusation ? » Une réponse négative fut faite à cette question, et le jeune homme fut acquitté. Les magistrats qui avaient bien voulu poser la question ci-dessus citée, et les douze citoyens qui la résolurent négativement, ont donc admis la possibilité du fait qu’elle énonçait. Une opinion partagée par des magistrats de cour royale, par douze citoyens recommandables, et par une foule de légistes et de philosophes, ne doit, il me semble, étonner personne.
[Note 2] Il est difficile de comprendre l’empressement que mettent certains journaux, spécialement consacrés aux débats judiciaires, à instruire leurs lecteurs de l’arrestation des individus, avant que leur culpabilité soit démontrée, d’une manière positive ; je ne sais même jusqu’à quel point cela devrait être permis.