Platon est un philosophe grec né à Athènes vers 427 avant JC et mort vers 346 avant JC. Il fut l’élève de Socrate, mais aussi d’Héraclite…Aristote fut son disciple. On l’ignore souvent, mais les trois plus grands philosophes de l’antiquité sont ainsi liés par une relation maître-élève. Platon est contemporain des sophistes, et n’aurait guère apprécié l’association entre Socrate et les Sophistes faite dans Les nuées d’Aristophane. Son œuvre, composée de dialogues philosophiques, la République, Les Lois, le Timée, le Critias…est une des plus fondamentales de l’histoire de la pensée humaine. Platon fut la plus grande influence de la philosophie occidentale. On pourrait aussi affirmer que son influence sur l’Eglise Catholique fut considérable.
Vie de Platon
Platon naît deux ans après la mort de Périclès, pendant la guerre du Péloponnèse qui oppose Athènes à Sparte et s’achève par la victoire de Sparte et la chute de la démocratie athénienne. De naissance aristocratique, il reçut l’éducation traditionnelle des jeunes Athéniens de l’époque : musique, flûte, cithare, mathématiques, grammaire, tout en nouant une relation pédéraste avec son professeur. Comme tous les êtres humains, et comme tous les grands hommes, on ne saurait comprendre la pensée de Platon sans saisir les traumatismes de son enfance. Il haïssait l’Oligarchie imposée par Sparte, qui s’apparentait à l’époque à une ploutocratie immorale, où les femmes n’étaient pas à leur place, où les riches exploitaient les pauvres, et où tous exploitaient les esclaves. Il n’aimait pas non plus la démocratie qu’il voyait comme une tentative politique des pauvres d’utiliser la loi pour exploiter les riches, thèmes traités de façon intéressante dans Ploutos d’Aristophane (les biens matériels), et L’assemblée des femmes (pouvoirs des femmes) du même Aristophane. Dans La République Platon décrit sa société idéale, qu’il appelle timocratie, et que tous nous comprenons abusivement comme une forme ancienne de démocratie, ce qui est tout de même un comble, puisque disons-le une fois pour toutes, Platon n’aimait pas la démocratie.
Cette société, société de classes où tout le monde est bien à sa place, il cherchera à la mettre en place à Syracuse où, invité par le tyran local, Denys, son expérience tournera court, après quoi il finira par revenir en Grèce où il fondera son école, l’Académie. Plus tard il retournera en Sicile où une nouvelle fois il essaiera de mettre en pratique ses idées philosophiques en politique.
Il est l’auteur de dialogues célèbres qui ont redéfini la philosophie. S’ils ne nous intriguent plus guère par l’originalité des concepts présentés, ils impressionnent toujours par l’élégance de la langue, et l’influence qu’ils eurent sur l’histoire des idées. Ce serait bien le comble si Platon, qui toute sa vie chercha à retrouver la pensée originelle, le monde des Idées (voir Le mythe de la caverne), afin de le décliner dans le réel social et ainsi proposer aux hommes le bonheur sur terre, ce serait donc bien le comble si Platon nous léguait, à nous les féroces anti-dogmatiques, les cyniques, moqueurs, picaresques, esprits libres, les textes d’un très grand littérateur.
Critique de Platon par Popper
On ne peut pas dire que les microscopiques Editions de Londres aient vraiment la légitimité pour s’attaquer au grand Platon. Alors, comme dans les bagarres de pubs du samedi soir dans le East End, nous nous abriterons derrière un plus grand que nous, Karl Popper. Et nous nous inspirerons beaucoup de The open society and its enemies. Bon, on ne va pas vous en faire l’exégèse, ce serait un peu long, mais on peut vous citer les coupables, et dans l’ordre, d’abord, il y a Platon, puis Hegel, puis Marx. Le dernier ayant des circonstances atténuantes d’après le jury. Mais Platon n’en a pas. A la base de tout, il y a l’Utopie, l’Utopie d’un monde stable et parfait, en harmonie, pour reprendre des termes ou une terminologie plus « grecque ». Et c’est cette nostalgie d’un monde en harmonie, préexistant au monde de chaos et d’immoralité dont nous sommes les acteurs et les victimes, qui hante l’esprit de Platon et le pousse, par le recours à la science et aux mathématiques, à refonder la société idéale, au moins sur le papier. En ceci il ouvre pour la civilisation occidentale une période d’errements sans fin. Citons Popper, et franchement The open society and its enemies est un des livres qui influença le plus notre philosophie politique :
« In all matters, we can only learn by trial and error, by making mistakes and improvements ; we can never rely on inspiration, although inspirations may be most valuable as long as they can be checked by experience. Accordingly, it is not reasonable to assume that a complete reconstruction of our social world would lead at once to a workable system. Rather, we should expect that, owing to lack of experience, many mistakes would be made which could be eliminated only by a long and laborious process of small adjustments ; in other words, by that rational method of piecemeal engineering whose application we advocate. » Rien d’autre à dire. On a la destruction de toute pensée de système.
Il faut lire à tout prix The open society and its enemies !!
Critique de Platon par…Les Editions de Londres
Bon, nous ne voulons pas enfoncer le clou davantage, d’autant plus que Popper en a deux cent pages comme ça, rien que sur Platon, et il écrit petit. Pourtant, nous ne résistons pas : Socrate et Platon ont radicalement orienté la pensée occidentale vers des chemins sans issue, le chemin d’une impasse qui donne lieu à toutes les erreurs historiques les plus graves, culminant avec la mise en place d’idéologies si réductionnistes qu’elles en deviennent nihilistes alors qu’elles prêchent l’opposé du résultat auxquelles elles conduisent, qu’elles soient vues comme extrémistes, ou modérées. En éliminant l’héritage présocratique, Socrate et Platon rompent avec la pensée orientale, ils introduisent la nostalgie illusoire d’un monde parfait vers lequel nous pourrions tendre si nous en suivions la morale idoine et si nous nous munissions des institutions, d’abord politiques, puis académiques, qui permettent d’atteindre cet idéal social.
C’est cette volonté de maîtrise, de contrôle, cette recherche sociale et collective du bonheur qui explique la plupart des errements, passés comme modernes, dont nous ne parvenons toujours pas à nous libérer, et qui paradoxalement nous donnent le monde actuel, avec tous ses travers moraux, lesquels, rendons justice à Platon, auraient suscité son horreur absolue. Et oui, ces religions absolutistes, monothéistes, ces religions têtues qui n’admettent pas l’autocritique, qui prêchent un monde magnifique dans un autre monde, ces morales coercitives, ces systèmes politiques dogmatiques, cet enseignement didactique, ces constitutions sacrées comme les Tables de la Loi qui prêchent « the pursuit of happiness », comme si exiger le bonheur n’était pas rendre l’objectif caduc dès son énoncé, et bien tout cela, nous le devons à Platon. Mais il est incontournable. La philosophie de Platon, c’est comme une démonstration par l’absurde des méfaits de toute forme de dogmatisme (voir aussi notre commentaire sur Les nuées) : il faut la découvrir.
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