Préface de Michel Granger
Une “autobiographie” à contrecœur

En 1837, à l’âge de vingt ans, Thoreau quitte l’université Harvard, après trois années d’études qui ne l’ont pas enthousiasmé ; ce n’est qu’en 1841 que commencera une amitié avec le philosophe Emerson, relation déterminante pour sa carrière de penseur. Cependant, alors qu’il est loin d’avoir atteint sa maturité intellectuelle, ses premiers textes révèlent déjà quelques-uns des traits marquants de sa personnalité qui donnent à son œuvre une intensité décapante, notamment par le maniement de paradoxes provocateurs. Il veut faire réfléchir son public et l’inciter à gratter sous la surface des idées reçues, à dire non aux affirmations éculées qui n’ont pas été pensées, seulement héritées. C’est déjà un dissident qui s’exprime d’une voix forte, effrontément non-conformiste, même face à un parterre de professeurs et de notables dans les murs de sa vénérable université. Il se refuse à reconnaître une quelconque dette à l’égard de ses maîtres, la valeur du savoir livresque qu’il a acquis, ainsi que l’ouverture rendue possible par les langues étrangères qu’il a découvertes. Qu’on ne s’y trompe pas : il s’agit d’une posture, contredite par le chapitre de Walden (1854) consacré à l’importance primordiale de la lecture des classiques.

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