François Rabelais est un écrivain français du XVIème siècle né en 1483 ou 1494 à Chinon, et mort à Paris en 1553. Humaniste, médecin, juriste, prêtre, il est célèbre pour ses livres écrits sous différents pseudonymes (Alcofribas Nasier…) : Pantagruel, Gargantua, le Tiers Livre, le Quart livre, le Cinquième livre.
Rabelais est avec Montaigne la figure la plus emblématique de la Renaissance littéraire qui marque la France au Seizième siècle. Puisant ses sources et son érudition dans les lettres classiques de l’Antiquité, ie le corpus Grec et Latin, tirant ses velléités de réforme dans l’élan de l’humanisme de la Renaissance, trouvant son inspiration paillarde, comique, outrancière, joyeuse, dans le fonds littéraire du Moyen Âge, et ses critiques dans le spectacle de la société du Seizième siècle (scholastiques, clergé, médecins, juristes…), son œuvre est une des plus importantes de la littérature mondiale.
Biographie de Rabelais
Beaucoup de choses restent mal connues sur la vie de Rabelais. On sait de façon certaine qu’il fut moine séculier, prêtre régulier et médecin et qu’il voyagea beaucoup en France et en Italie.
Les dates de sa naissance et de sa mort sont incertaines. On s’accorde généralement sur l’année 1494 pour sa naissance, mais l’année 1483 est également retenue. Il meurt probablement début avril 1553.
Son père s’appelait Thomas Rabelais. On pense généralement qu’il était licencié en droit et qu’il fut doyen des avocats de Chinon, mais certains commentateurs le déclarent apothicaire ou aubergiste. Son père possédait une maison à Chinon, une propriété à Seuilly près de Chinon, « La Devinière » (souvent citée par Rabelais) et une maison à Varenne sur Loire.
On suppose que François naît à la Devinière. Il est le plus jeune des enfants et a deux frères et une sœur.
Il fait ses premières études à l’abbaye bénédictine de Seuilly à côté de la Devinière ; puis il est novice au couvent de la Baumette près d’Angers où il fait la connaissance des frères Du Bellay et de Geoffroy d’Estissac qui seront ses protecteurs par la suite.
De 1509 à 1524, il est moine au couvent des Franciscains du Puy Saint-Martin à Fontenay-le-Comte en Poitou. Contrairement à l’usage Franciscain où l’ignorance était la règle, on sait qu’avec Pierre Amy il y étudie les lettres classiques, latines et grecques, dans des livres qu’ils réussissent à se procurer.
Il fréquente à cette époque André Tiraqueau qui étudie le droit et sera jurisconsulte. C’est probablement avec lui que Rabelais a acquis ses bonnes notions de droit.
Vers 1523, la Sorbonne, alors faculté de théologie de Paris décide l’interdiction de l’étude du grec suite au commentaire d’Érasme (qu’admire beaucoup Rabelais) sur l’évangile de Saint-Luc. À la suite à cette interdiction, les Franciscains lui confisquent ses livres d’étude. Les persécutions auraient pu être bien pires s’il n’avait pas eu la protection de Geoffroy d’Estissac, alors évêque, des Brisson, de Tiraqueau et de Guillaume Budé, que connaît Pierre Amy et avec qui Rabelais a correspondu.
En 1524, après avoir obtenu du pape Clément VII l’autorisation de changer d’ordre, il entre chez les Bénédictins, – les bénédictins étaient amis des lettres, – et il réside au monastère de Saint-Pierre-de-Maillezais, près de Fontenay-le-Comte, puis au prieuré de Ligugé où il est sous la protection de Geoffroy d’Estissac, évêque de Maillezais. Il accompagne régulièrement ce dernier dans tout le Poitou.
En 1528, il quitte le Poitou pour Paris où il fréquente l’université, abandonne sans autorisation (apostasie) le froc séculier et devient prêtre régulier. Il a une liaison avec une veuve dont il a un fils qui mourra à l’âge de deux ans.
Puis, il quitte Paris pour faire sans doute un tour de France des Universités et on le retrouve en 1530 à Montpellier où il s’inscrit en faculté de médecine.
En 1532 et jusqu’en février 1534, bien que n’ayant pas encore officiellement son titre de docteur en médecine, il est médecin à l’Hôtel Dieu à Lyon. Il semble qu’il travaille en même temps comme correcteur pour le libraire Sébastien Gryphe chez qui il publie alors plusieurs ouvrages : Lettres latines d’un médecin de Giovani Manardi qu’il dédie à Tiraqueau, une édition des aphorismes d’Hippocrate qu’il dédie à Geoffroy d’Estignac, et Le testament de Cuspidius (qui se révéla une œuvre apocryphe) qu’il dédia à Aymery Bouchard.
Puis il a l’idée d’écrire une suite au livret que vendent les colporteurs : Les grandes chroniques du grand et énorme géant Gargantua et il publie Pantagruel en novembre 1532 sous le pseudonyme d’Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais.
Début 1534, il va à Rome pour trois mois en accompagnant Jean du Bellay. Il y retournera plusieurs fois.
En novembre 1534, il publie Gargantua.
En 1536, il obtient du pape Paul III l’absolution de son apostasie et l’autorisation de séjourner dans tous les monastères bénédictins.
En 1537, il obtient le grade de docteur en médecine à Montpellier. Dans son étude de la médecine, il s’évertue à retrouver les textes originaux des médecins grecs derrière les interprétations qui ont été faites par leurs commentateurs.
En 1539, il retourne en Italie pour la troisième fois en accompagnant le frère du Cardinal du Bellay, Guillaume de Langey.
En mars 1543, Gargantua et Pantagruel sont condamnés par la Sorbonne, mais grâce à ses protecteurs, la condamnation reste sans effet et il obtient même du roi en 1545 un privilège pour publier le Tiers livre.
Le Tiers livre est publié en 1546, cette fois sous le nom de François Rabelais. Le livre fut condamné par la Sorbonne malgré le privilège du roi et Rabelais s’enfuit à Metz où il trouve asile dans une maison de son ami Saint Ayl et où il fut médecin de la ville.
En 1547, il retourne à Rome où il reste deux ans avec Jean du Bellay.
Le Quart livre est publié en 1552. Il est aussi condamné par la Sorbonne et Rabelais disparaît, peut-être en prison.
On le retrouve en janvier 1553, résignant les cures qu’il détenait.
Il meurt probablement début avril 1553, à Paris.
En 1562, paraît l’Île sonnante qui est dite être la suite posthume du quart livre et réputée œuvre posthume de Rabelais.
En 1564, est publié le cinquième livre, reprenant les chapitres de l’Île sonnante.
L’œuvre de Rabelais
Pantagruel est le premier livre écrit par Rabelais, publié en 1532 comme étant la suite d’un roman populaire vendu par les colporteurs : Les grandes chroniques du grand et énorme géant Gargantua. Il y raconte la naissance de Pantagruel, la façon dont il est éduqué et son tour des Universités. Il fait la satire des pratiques judiciaires avec les seigneurs de Baisecul et de Humevesne. On y fait la rencontre de Panurge. Il y décrit les facéties des étudiants, il critique les sophistes avec Thaumaste. Enfin, il raconte de manière épique la guerre de Pantagruel contre les Dipsodes.
Gargantua est le deuxième livre écrit par Rabelais, publié en 1534. Il est souvent considéré comme le premier de la série parce qu’il raconte l’histoire du père de Pantagruel. Suite à la description truculente de l’enfance de Gargantua, on suit le géant jusqu’à Paris où il se rend pour ses études. Rabelais décrit le renouveau de l’éducation de la Renaissance par rapport à celle du Moyen Âge, et en profite pour critiquer les sophistes. Puis Rabelais raconte la guerre Picrocholine qui se déroule autour de Chinon. Enfin, il décrit la vie monacale idéale à travers l’abbaye de Thélème.
Le Tiers Livre est publié en 1546. C’est la suite de Pantagruel après la guerre contre les Dipsodes. Panurge se demande s’il doit ou non se marier et pour trouver une réponse à cette question, il cherche tous les conseils possibles. Le livre reflète les débats médicaux, juridiques et moraux de l’époque. En particulier il traite du mariage.
Le Quart Livre est publié en 1552. Les onze premiers chapitres ayant d’abord été publiés en 1548, Rabelais y raconte l’odyssée de Pantagruel et de ses compagnons pour rencontrer l’oracle de la dive bouteille concernant le mariage de Panurge. C’est l’occasion de nombreuses satires sur les mœurs religieuses, notamment de la Cour du pape à Rome.
Le Cinquième livre fut publié en deux fois. D’abord, ce sont les seize premiers chapitres qui paraissent sous le titre de « l’Île sonnante » en 1560, neuf ans après la mort de Rabelais. Puis le livre complet paraît en 1564. L’authenticité de l’écriture du cinquième livre par Rabelais n’a jamais été prouvée. Il est vraisemblable qu’il s’agisse d’un manuscrit inachevé par Rabelais et complété par l’éditeur. On y trouve des attaques encore plus violentes contre les moines et un ton beaucoup plus âpre et triste.
Le projet de Rabelais
Dans le prologue de Pantagruel, Rabelais explique son projet : écrire la suite de ce livre fameux vendu par les colporteurs et tiré tout droit du Moyen Age, Les grandes chroniques de l’énorme géant Gargantua, dont on a vendu plus en deux mois que de bibles en neuf ans.
Rabelais veut à la fois faire une parodie de romans de chevalerie (Fessepinte, Orlando furioso, etc.,) des livres du même tonneau comme il indique dans son prologue, puiser dans le fonds littéraire moyenageux, dont il aime la vitalité de la langue et le recours aux expressions populaires et à la langue parlée, et il veut aussi moderniser la littérature française, la sortir justement de son enveloppe moyenageuse obscure pour la lancer dans la lumière de la Renaissance humaniste du Seizième siècle.
Sa personnalité et l’érudition qu’il a acquise dans l’étude des lettres classiques grecques et latines vont faire qu’il crée un style nouveau qui préfigure le roman moderne.
Conscient de l’ambivalence de son projet, à la fois faire une parodie des romans du passé, comme pour insister sur la rupture de son siècle avec le Moyen Age, faire la critique des travers de son époque, parlant ainsi de choses qu’il connaît bien, l’ordre religieux, universitaire, scholastique etc., il ne fait aucun doute qu’à mesure qu’évolue son travail, il projette d’exposer sa vision d’un monde débarrassé des chaînes de l’obscurantisme qui paralyse l’intelligence, la créativité et le « savoir-jouir » humain. Il en avertit le lecteur dans Gargantua : « Et imaginez qu’à la première lecture, vous trouviez une matière assez joyeuse, toutefois il ne faut pas en rester là, mais il faut interpréter avec un sens plus élevé ce que peut-être vous pensiez être dit de gaieté de cœur. »
Tous les éléments sont présents dans son œuvre, et se croisent, s’entrecroisent dans une extraordinaire alchimie des situations et du langage. C’est bien ce contraste qui se situe à l’opposé de la littérature fêtée par les prix littéraires aujourd’hui. L’étonnant paradoxe de la renommée de Rabelais de nos jours, c’est qu’aucun éditeur ne publierait ses manuscrits; tous ou presque trouveraient que c’est trop truculent, que les mots outranciers y côtoient les « mots savants », que les situations sont trop « absurdes » ou surréalistes, qu’il n’y a guère de vraisemblance, que les remarques philosophiques sont « oiseuses », la structure faible et la parodie trop lourde. Ainsi, ce sont les mêmes qui sacralisent Rabelais et qui à la fois n’ont rien compris à l’importance de son héritage. La seule explication, c’est que Rabelais est un génie et que les devantures des librairies sont remplies de fausse littérature, une littérature épuisée qui suit des codes rigides plutôt que de s’aventurer sur les terrains de l’imaginaire, une sorte de marketing-isation de la narration, des personnages et du style, des livres non pas vides mais étonnamment « attendus », où l’on soupire dès le quatrième de couverture, avant de feuilleter des pages miroirs qui ne font que refléter le contentement narcissique d’être soi.
Chez Rabelais, on a à peu près le contraire : on a ce chemin de traverse qu’aurait pu prendre la littérature si l’Académisme n’avait triomphé de la licence littéraire.
On y trouve le sens de la parodie et de la démesure: la parodie des romans de chevalerie pleins de combats contre des créatures émanations du mal, d’amours courtoises, de références religieuses, et en fait des guerres absurdes, des combats hénaurmes, des amours pas très courtoises…
Mais il y ajoute son érudition humaniste, son expérience de la vie monacale, ses connaissances de la médecine et aussi du Droit, son ouverture sur les nouvelles idées de la Renaissance que lui ont fait connaître Érasme et Guillaume Budé par leurs livres.
Par exemple, dans toutes les descriptions des blessures, Rabelais en les décrivant de façon très formelle fait ressortir ses compétences de médecin et accentue l’effet comique (description très sérieuse d’une situation absurde) : « Lui coupant entièrement les veines jugulaires et les artères du cou, avec la luette, jusqu’aux deux glandes thyroïdes, et, en retirant le poignard, il lui ouvrit la moelle épinière entre la seconde et la troisième vertèbre. Alors l’archer tomba tout à fait mort. »
Il joue aussi avec la structure du roman, encore balbutiant au milieu du Seizième siècle : le lecteur est interpellé par le narrateur qui se met lui-même en scène par moments. Sans compter les multiples apartés, digressions, recentrages sur un personnage ou l’autre (Pantagruel et Panurge…).
Mais on y trouve aussi la langue. Ce qui fait probablement sa plus grande originalité. Car si Rabelais fut malgré tout suivi par certains sur ce chemin de traverse de la littérature, très peu osèrent s’aventurer sur le chemin de la langue, truculente, inventive, parlée, excessive…
La langue de Rabelais
Pour commencer, il faut abattre certaines conceptions erronées et rétablir la vérité.
La langue de Rabelais n’est pas représentative de la langue de son époque : c’est un vrai univers du langage que crée Rabelais. Si Montaigne essaie de s’exprimer le plus simplement du monde, Rabelais brise tous les codes. Son langage est le fruit d’un mélange qui étourdit le lecteur le plus endurci : les mots populaires côtoient les mots savants, les mots outranciers jouent avec les mots pieux, termes techniques, termes anciens, néologismes, mots étrangers, mots empruntés aux divers patois, la langue de Rabelais, c’est une fête des mots.
Les réactions à son style étaient aussi diverses à l’époque que de nos jours : dans la Défense et illustration de la langue française de 1549, Du Bellay voit dans Rabelais quelqu’un qui comme lui participe à la création d’une langue littéraire propre, différente de la langue parlée, laquelle d’ailleurs n’existait pas dans le sens où nous l’entendons de nos jours puisque la France d’alors était une France des patois. Si la Sorbonne, Calvin et beaucoup d’autres ne le supportaient pas, il avait beaucoup d’admirateurs de son vivant.
Rabelais ne cherchait pas simplifier la langue écrite pour la rapprocher de la langue parlée : certainement pas au sens, disons, d’un Marcel Aymé qui veut sortir la littérature de son élitisme du début du Vingtième siècle. Le comprendre ainsi, c’est regarder le Seizième siècle avec les yeux du Vingt et unième siècle. Rabelais veut créer une littérature, et pour cela, il doit puiser dans les sources populaires et tout en élevant et en enrichissant la langue par l’apport de néologismes, mots de patois, mots grecs et latins etc…
Mais derrière le travail sur la langue il y a un autre projet. Dans une société finalement assez morcelée, Rabelais, dans une vraie tradition humaniste, cherche à constituer un monde où les sabirs techniques et les particularismes linguistiques n’asphyxient pas le langage. Face au monde de son époque en proie aux transformations chaotiques de la Renaissance, Rabelais rêve d’un âge d’or, où la connaissance n’est pas le privilège de quelques spécialistes, enfermés derrière les murs de leur discipline. Il a tout simplement de la société et de la langue une vision ouverte, non scholastique, non académique, une conception dynamique et ordonnée.
Hédonisme ou liberté ?
La mangeaille, le vin, la dive bouteille, la ripaille, la boustifaille, les rapports sexuels débridés, la défécation, les pets, un torrent d’urine qui noie les assaillants... : l'hédonisme est présent partout, vivre sans soucis, sans peur, sans crainte du lendemain, saisir à tous les instants la moindre opportunité pour copuler, manger, boire… Alors, est-ce une philosophie de l’hédonisme à outrance, sorte de version moins coincée et moins sophistiquée de la recherche du plaisir dans le Paris d’Anne Hidalgo, avec ses plages, ses fêtes de la musique, ses velib’, ses tramways, ses sorties du Rex à minuit ? Certainement pas. Il y a à peu près autant de rapport entre le Paris d’aujourd’hui et Rabelais qu’entre un lapin et une carpe. Non, ce qu’exprime Rabelais, c’est évidemment l’aspiration à la liberté dans une société phagocytée par l’oppression de l’ordre religieux et des mandarinats, médecins, juristes, universitaires etc. La vie festive que connaissent les héros de Rabelais est une des autres manifestations de l’aspiration à une société ouverte.
Car c’est bien cela qui unit les innombrables caractéristiques de l’œuvre rabelaisienne : ce qui unit l’invention langagière, la parodie du passé, la satire des institutions de l’époque, les chapitres présentant un monde idéal et libertaire (voir L’abbaye de Thélème dans Gargantua), c’est la volonté d’abattre les murailles qui, en privant les hommes d’échanges, qu’ils soient linguistiques, sociaux, littéraires, ou plus « simples », comme manger, s’enivrer et « faire la bête à deux dos », les immobilise dans le Moyen Age dominé par l’ordre religieux. Rabelais, c’est l’aspiration à la Renaissance.
Les sources de Rabelais : le « Lucien français »
Rabelais était connu comme le Lucien au Seizième siècle. On voit l’influence du grand satiriste grec, auteur de l’Histoire véritable, notamment dans le Quart livre. Comme Lucien il raille les grandes épopées d’antan, la crédulité de ses contemporains, mais surtout il utilise la satire comme moyen de distanciation et pour critiquer l’obscurantisme de ses contemporains, et le joug religieux sous lequel ils acceptent de se plier.
L’influence de Rabelais
Avec la créativité de sa langue, on peut considérer qu’il a inventé la littérature française. Chateaubriand dit qu’il a « créé les lettres françaises ». Voici ce qu’en dit Céline : « Rabelais a vraiment voulu une langue extraordinaire et riche. Mais les autres, tous, ils l’ont émasculée, cette langue, jusqu’à la rendre toute plate. Ainsi, aujourd’hui écrire bien, c’est écrire comme Amyot, mais ça, c’est jamais qu’une langue de traduction. ». Alors, nous ne parlerons pas de ceux qui l’admirent, ni de l’évolution de sa réputation à travers les siècles, ce ne serait plus une préface, ce serait une anthologie. Nous ne parlerons pas de Chateaubriand qui le porte aux nues, de Hugo qui l’estime, de Balzac qui l’adore. Nous parlerons de ceux qui doivent quelque chose à Rabelais, ou alors qui d’une façon ou d’une autre ont repris et développé son héritage : Swift pour le sens satirique, le caractère outrancier des situations, la scatophilie, la critique sociale, Sterne pour la déstructuration du roman, les interminables digressions, les clins d’œil au lecteur, les allers et retours, la dé-linéarisation de la narration, le goût de la satire, la parodie, Jarry pour la création d’un monde absurde, la multiplication des expressions mémorables, la violence de la satire, Céline pour le travail sur le langage, la violence du verbe, Frédéric Dard pour à peu près les mêmes raisons, si ce n’est que l’optimisme de Dard s’oppose à la tristesse et au pessimisme sulfureux de Céline…Rabelais, pour certains, c’est l’invention de la littérature française. Pour nous, c’est une œuvre d’une originalité unique dans l’histoire de la littérature mondiale, mais une œuvre où la déstructuration et la recomposition du monde se font par l’outrance devenue norme absurde des choses et des hommes et par l’inventivité du langage.
© 2013-Les Éditions de Londres
GARGANTUA
Traduit en français moderne
par les Éditions de Londres
LA VIE TRÈS HORRIFIQUE DU GRAND GARGANTUA PÈRE DE PANTAGRUEL.
Jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de Quinte Essence.
Livre plein de Pantagruélisme.
AUX LECTEURS
Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Dépouillez-vous de toute affection,
Et, le lisant, ne vous scandalisez,
Il ne contient mal ni infection.
Vrai est qu’ici peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire,
Autre argument ne peut mon cœur élire,
Voyant le deuil qui vous mine et consomme.
Mieux est de ris que de larmes écrire,
Parce que rire est le propre de l’homme.
VIVEZ JOYEUX.