Préface des Éditions de Londres

« Intermezzo » est une comédie de Jean Giraudoux parue en 1933. Elle a été jouée en 1933 dans une mise en scène de Louis Jouvet, ami intime de Giraudoux, sur une musique de Francis Poulenc. C’est une comédie onirique, pleine de dérision et d’humour décalé qui mérite d’être lue et relue.

L’intrigue

L’action se passe dans un village du Limousin. Tout se passe dans le village de façon inaccoutumée. Les évènements semblent prendre une tournure morale. « Nous avons tiré l’autre dimanche notre loterie mensuelle, c’est le plus pauvre qui a gagné le gros lot en argent, et non le gagnant habituel, le millionnaire. » On accuse Isabelle, une jeune fille rêveuse, de ces dérèglements parce qu’on a constaté qu’elle avait des rendez-vous secrets avec un spectre.

L’inspecteur est chargé de régler ce problème. Il ne croit pas au spectre et veut qu’Isabelle cesse ses rendez-vous. Pensant qu’il s’agit d’un homme réel, il veut tuer le spectre mais il échoue dans sa tentative, le spectre s’élevant dans le ciel quand on lui tire dessus.

C’est l’amour du contrôleur pour Isabelle qui lorsqu’Isabelle le partagera fera fuir le spectre. Tout redevient comme avant dans le village.

Résumé de la pièce

Le maire a convoqué dans un pré le droguiste, le contrôleur des poids et mesures et l’inspecteur pour constituer une commission d’enquête sur « l’affaire ».

Pendant que le maire et le droguiste attendent les autres participants, Isabelle, la remplaçante de l’institutrice, passe, accompagnée des petites filles auxquelles elle fait la classe en plein air.

L’inspecteur arrive avec le contrôleur. Il affirme que les esprits n’existent pas, que les troubles que constate le bourg sont des inventions d’esprits superstitieux.

On lui explique alors que tout est chamboulé dans le bourg. C’est le plus pauvre qui gagne à la loterie, ce sont les plus vieux qui meurent. Lors du recensement, les habitants ont déclaré comme étant leurs enfants les êtres qu’ils aiment : chiens, oiseaux, apprentis, et comme étant leur femme, celle qu’ils voudraient avoir. Tout cela se passe depuis qu’Isabelle rencontre le spectre.

Les demoiselles Mangebois arrivent pour faire une révélation. Elles commencent par décrire à l’inspecteur le spectre qui hante la région, c’est un beau jeune homme vêtu de noir. Puis elles parlent d’Isabelle qui serait, selon elles, la responsable de tous les troubles du pays.

Dans son carnet, que se sont procuré les sœurs Mangebois, Isabelle a écrit qu’elle croit au spectre et qu’elle compte sur lui pour l’aider à rendre la ville parfaite.

La responsabilité d’Isabelle déclenche la misogynie de l’inspecteur : « J’étais sûr qu’il y avait des femmes à la base de ces turpitudes. Dès qu’on laisse un peu de liberté à ces fourmis dans l’édifice social, toutes les poutres en sont rongées en un clin d’œil. »

L’inspecteur fait venir Isabelle pour contrôler son enseignement. Les petites filles répondent aux questions de l’inspecteur par des images poétiques décalées par rapport à la réalité. Dans l’éducation que donne Isabelle, il y a l’Ensemblier qui est responsable des catastrophes dans la nature et il y a Arthur qui est responsable des farces : « Monsieur l’Inspecteur, je veille à ce que ces enfants ne croient pas à l’injustice de la nature. Je leur en présente toutes les grandes catastrophes comme des détails regrettables il est vrai, mais nécessaires pour obtenir un univers satisfaisant dans son ensemble, et la puissance, l’esprit qui les provoque, nous l’appelons, pour cette raison, l’Ensemblier ! »

Au crépuscule, Isabelle rencontre le spectre qu’elle attendait. Elle parle avec lui des morts qui devraient être heureux puisqu’ils sont immortels. « C’est là ce que je ne peux arriver à comprendre, que les morts eux-mêmes croient à la mort. Des vivants, on peut concevoir une telle bêtise. Il est juste de croire que la stupidité, le mensonge, l’obésité auront leur fin, de croire aussi que la bonté, la beauté mourront. Leur fragilité est leur lustre. Mais, des morts, j’attendais autre chose ! De ces morts dont toute part est noble, purifiée, pure, j’attendais autre chose. »

On retrouve le contrôleur chargé par l’inspecteur de faire la classe aux petites filles en remplacement d’Isabelle. Il leur parle d’astronomie en leur faisant contempler la voûte céleste, mais comme il fait jour, il leur fait regarder à travers la terre les étoiles de la voûte australe.

L’inspecteur a l’intention de surprendre Isabelle et le spectre. Il veut arrêter le spectre et pour cela, il a fait venir de la ville voisine le bourreau à la retraite.

L’inspecteur laisse cinq minutes au contrôleur pour qu’il convainque Isabelle de ne plus s’approcher du spectre. Le contrôleur la demande en mariage. Isabelle ne veut pas d’un mari qui l’empêcherait de continuer à fréquenter le spectre. « En quoi ? En quoi le fait pour un mari de trouver en revenant de la chasse ou de la pêche une femme qui croit à la vie suprême, de fermer le soir, après une réunion politique, les volets sur une femme qui croit à l’autre lumière, peut-il l’humilier ou l’amoindrir ? Cette heure vide de la journée que les autres épouses donnent à des visiteurs autrement dangereux, à leurs souvenirs, à leurs espoirs, au spectre de leur propre vie, à leur amant aussi, pourquoi ne serait-elle pas l’heure d’une amitié invisible ? »

L’inspecteur avait promis une prime pour faire venir le bourreau de la ville voisine et il se retrouve avec deux hommes qui veulent la prime. Finalement, il demande aux deux bourreaux de se cacher pour attendre le spectre et lui tirer dessus.

Isabelle rencontre le spectre et lui demande pourquoi il n’a pas réussi à faire venir d’autres morts comme elle le lui avait demandé. Alors, on entend deux coups de feu.

Le spectre s’élève devant l’inspecteur éberlué. Il donne rendez-vous à Isabelle le lendemain dans sa chambre où il promet d’amener d’autres morts.

Le lendemain, l’inspecteur vient avec le maire et les petites filles pour un exorcisme « laïque » de la chambre d’Isabelle.

Isabelle et le droguiste reviennent dans la chambre d’Isabelle attendre le spectre. Mais c’est le contrôleur qui frappe. Il demande sa main à Isabelle et lui explique les beautés de la vie avec un fonctionnaire. C’est une vie pleine d’imagination, d’imprévu. « Et c’est ainsi que le lyrisme de la vie de fonctionnaire n’a d’égal que son imprévu ! »

Le spectre arrive et est prêt à révéler le secret de la mort à Isabelle mais il demande au contrôleur de s’en aller. Celui-ci refuse. Isabelle s’adresse au contrôleur en lui disant « Mon cher Robert ». Alors le spectre est jaloux et ne veut plus lui parler. Elle est comme les autres et ne pense qu’au mariage. « Adieu, Isabelle. Ton contrôleur a raison. Ce qu’aiment les hommes, ce que tu aimes, ce n’est pas connaître, ce n’est pas savoir, c’est osciller entre deux vérités ou deux mensonges, entre Gap et Bressuire. Je te laisse sur l’escarpolette où la main de ton fiancé te balancera pour le plaisir de ses yeux entre tes deux idées de la mort, entre l’enfer d’ombres muettes et l’enfer bruissant, entre la poix et le néant. Je ne te dirai plus rien. Et même pas le nom de la fleur charmante et commune qui pique notre gazon, dont le parfum m’a reçu aux portes de la mort et dont je soufflerai le nom dans quinze ans aux oreilles de tes filles. Prends-la dans tes bras, Contrôleur ! Prends-la dans ce piège à loups que sont tes bras, et que plus jamais elle n’en échappe. »

Le spectre s’en va. Isabelle tente de se jeter dans ses bras et s’évanouit.

Pour la faire revenir à elle, le droguiste demande à tout le village de jouer auprès d’Isabelle la vie de tous les jours avec ses bruits familiers. Isabelle reprend connaissance et la ville reprend sa vie normale.

©Les Editions de Londres