Lorsque l’éditeur qui publie aujourd’hui ce livre eut pris connaissance du manuscrit que je lui avais envoyé, il m’écrivit : « J’ai lu votre manuscrit. Je suis désenchanté : je m’attendais à tout autre sujet. C’est un livre curieux, plein de talent, mais d’une aridité terrible, d’une lecture fatigante à l’excès. Jamais un pareil livre ne se vendra… Ni les Nationalistes, ni les Socialistes, n’ont intérêt à parler de votre volume, dans lequel ils sont malmenés. Que restera-t-il ? Les Gouvernementaux ? Mais ceux-là ont encore plus d’intérêt à faire le silence ; alors ?… »
L’éditeur, que je remercie d’avoir publié un volume dans le succès duquel il ne saurait croire, avait complètement raison. Un pareil livre ne peut pas être vendu, ne peut pas être lu en France. Ce qui l’attend, c’est le silence : c’est le mutisme de la sottise et de la lâcheté ; c’est un enterrement, religieux et civil, de première classe.
Cependant, bien que je sois Français, je ne suis pas un vaincu. Je ne veux pas être un vaincu. Je refuse de me laisser enterrer, soit après ma mort, soit de mon vivant.
Si je ne peux pas être entendu en France, je me ferai écouter ailleurs. Il existe encore des pays où la liberté n’est pas un vain mot, où l’intelligence publique n’est pas écrasée sous les pieds plats d’argousins déguisés en journalistes, et où l’on a conservé l’habitude de s’intéresser à quelque chose. Dans ces pays-là, je parlerai. Il faut qu’on sache et qu’on sache complètement, ce que c’est que la Belle France ; ce qu’elle a été, ce qu’elle est, ce qu’elle peut devenir. On le saura.
Un mot encore. Je me suis efforcé, en écrivant ce livre, de croire à la possibilité, pour la France, d’un relèvement réel ; j’ai tenté de me donner la vision d’une Révolution prestigieuse illuminant les rues de ce Paris qui s’est prostitué à la tourbe nationaliste et qu’on vient de déshonorer d’une croix d’honneur. Ce sont des choses que je ne peux plus croire, que je ne peux plus voir, à présent. Je n’ose pas dire ce que je crois, ni ce que je vois ; je n’ose pas dire : Vive la France de demain ! Je persiste à crier, seulement : À bas la France d’aujourd’hui !
G. D.