MARION et ROBIN
ROBIN.
Hé ! Marion, leure leure va,
Je vais à toi, leure leure va.
Nous irons jouer du leure leure va,
Du leure leure va !
MARION.
Robin !
ROBlN.
Marote !
MARION.
D'où viens-tu ?
ROBIN.
Plus chaudement je me suis vêtu,
Car il fait froid ! J'ai mis manteau
De bure épaisse, et pour cadeau
Je t'apporte ces pommes ! Tiens !
MARION,
Robin, j'entends bien quand tu viens ;
Aussi j'attendais ta venue.
Et toi, m'avais-tu reconnue ?
ROBIN.
Oui, certes au chant et aux brebis...
MARION.
Pendant que tu changeais d'habits,
Sais-tu que sans songer à mal,
J'ai vu venir sur un cheval
Un seigneur, en riche pourpoint,
Portant un oiseau sur le poing.
Il osa me faire la cour
Et me déclarer son amour...
Mais moi je ne l'écoutai mie !
ROBIN.
Hé ! Marote ! ma douce amie,
Si j'étais plus tôt revenu,
Amenant Gautier le Têtu
Et Baudon, mon cousin germain,
Nous y aurions mis la main !
Car à trois nous étions de taille
À lui livrer forte bataille !
MARION.
Robin, ne t'en alarme point.
Le seigneur est maintenant loin !
Sans nulle crainte amusons-nous !
ROBIN.
Dois-je me tenir à genoux
Ou bien debout ?
MARION.
Auprès de moi
Pour manger, Robin, assieds-toi.
ROBIN.
Je vais m'asseoir à ton côté.
Mais je n'ai rien d'autre apporté
Que les pommes.
MARION.
J'ai dans mon sein
Une grande tranche de pain
Et du fromage.
(Elle le lui offre.)
ROBIN.
Il est très gras !...
C'est toi d'abord qui mangeras.
MARION.
Oui, mais tu mangeras aussi !
Et pour te rafraîchir, voici
Une bouteille en ce pochon.
ROBIN.
Dieu ! si l'on avait du jambon
Chez la grand'mère suspendu !
Il serait vite descendu !
MARION.
Non ! Robin, nous n'en aurons pas,
Contentons-nous de ce repas.
Le lard pend trop haut aux chevrons,
Mangeons donc ce que nous avons,
C'est assez pour la matinée.
ROBIN.
Dieu ! que j'ai la panse lassée
De la soule[Note_2] de l'autre fois !
MARION.
Dis, par la foi que tu me dois,
As-tu bien joué ? Que je t'admire !
ROBIN.
Vous l'entendrez dire, belle,
Vous l'entendrez dire !
MARION.
Dis, Robin, veux-tu plus manger ?
ROBIN.
Non vraiment.
MARION.
Je vais donc ranger
Ce pain, ce fromage en mon sein
Jusqu'à ce que nous ayons faim.
ROB1N.
Mets-les donc dans ta panetière.
MARION,
Je les mets ici par derrière,
Tous tes ordres j'accomplirai.
ROBIN.
chantant ainsi que Marion tout ce qui suit.
Marote, et moi j'éprouverai
Si lu m'es loyale amiette.
Car tu m'as trouvé amiet,
Bergeronnette,
Douce bachelette,
Donnez-le-moi, votre chapelet[Note_3].
(bis)
MARION.
chantant.
Robin, veux-tu que je le mette
Sur ta tête par amourette ?
ROBIN.
Oui, et vous serez m'amiette !
Je vous donne ma ceinturette.
Mon aumônière et fermaillet[Note_4] ;
Bergeronnette,
Douce bachelette,
Donnez-le-moi, votre chapelet.
MARION.
Volontiers, mon doux amiet,
Robin, fais-nous un peu de fête !
ROBIN.
Veux-tu des bras ou de la tête ?
Je te dis que je sais tout faire,
Et je ferai tout pour te plaire !
MARION.
chantant.
Robin, par l'âme de mon père !
Sais-tu bien marcher d'un pied ?
ROBIN.
Vois comme cela me sied !
Avant et arrière, belle !
Avant et arrière !
MARION.
Robin, par l'âme de mon père,
Fais-nous le tour de la tête !
ROBIN.
Marot, par l'âme de ma mère,
Je réponds à ta requête !
Faut-il ainsi faire, belle ?
Faut-il ainsi faire ?
MARION.
Robin, par l'âme de ton père,
Fais-nous donc le tour des bras.
ROBIN.
Marot, par l'âme de ma mère !
Tout ainsi que tu voudras.
Est-ce la manière, belle,
Est-ce la manière ?
MARION.
Robin, par l'âme de ton père
Sais-tu danser aux flambeaux ?
ROBIN.
Oui, par l'âme de ma mère !
Mais mes cheveux sont moins beaux
Devant que derrière, belle,
Devant que derrière !
(Le chant finit ici.)
MARION.
Fais donc tout cela par amour.
ROBIN.
Attends, je vais prendre un tambour
Et la musette au gros bourdon,
Et je vais amener Baudon,
Si je le trouve, avec Gautier.
Si par hasard le chevalier
Revenait, j'aurais besoin d'eux.
MARION.
Mais reviens vite, je le veux.
Et si tu trouves Péronnelle,
On peut s'amuser avec elle,
Et sans beaucoup te déranger,
Prends-la, près du moulin Roger.
ROBIN,
Je pars et ne fais que courir.
(Il s’éloigne en courant.)