« Les Dents du tigre » est un roman d’aventures de Maurice Leblanc publié en 1921. C’est un roman plus long que les autres, mettant une nouvelle fois en scène Don Luis Perenna, comme dans Le triangle d’or et dans L’Île aux trente cercueils. Cette fois-ci, Leblanc nous emmène dans une aventure passionnante, mais dont on a presque du mal à suivre tous les rebondissements, tellement ils sont nombreux.
Les Dents du tigre dans le contexte de Lupin
Il y a déjà bien longtemps que Maurice Leblanc cherche un second souffle à son héros. De la nouvelle il est passé au roman. De désinvolte et charmeur, léger et primesautier, il est devenu noir, sombre et angoissé. De cambrioleur, il est devenu justicier et redresseur de torts. De policier, le roman s’est tourné vers l’espionnage et l’aventure. De centre et véhicule de l’action, Lupin est extérieur et intervient pour rendre la justice et en tirer un profit bien maigre… Leblanc a aussi enchaîné les compagnons, les situations, multiplié les criminels, des plus machiavéliques aux fous furieux. Mais rien n’y fait, Lupin se cherche. Et pour mieux se chercher, il n’apparaît plus qu’en seconde moitié d’ouvrage, et rarement sous son vrai nom. Entre L’Île aux trente cercueils et « Les Dents du tigre », Maurice Leblanc s’essaie à la science-fiction avec Les Trois yeux. Puis il se relance dans un Lupin : plus long, un projet encore plus machiavélique et disons-le, diabolique, et un Don Luis présent dès le commencement.
Lupin dans Les Dents du tigre
Maurice Leblanc y peint un Lupin en proie à des faiblesses, des hésitations, dans des situations périlleuses où il n’est plus du tout le superhéros qu’il était par exemple dans Le triangle d’or. Leblanc pousse à fond dans le rocambolesque ; et sa recherche du machiavélique l’amène presque sur le terrain de Poe, tandis que le couple que Don Luis forme avec Mazeroux, ses incessants déplacements, combinés à ces moments où, allongé sur son fauteuil, il fume son cigare, ceci évoque un peu le Holmes de Conan Doyle.
Résumé de l’histoire
Tout commence avec le bureau du préfet de police, M. Desmalions. Arrive l’inspecteur Vérot, à bout de souffle et paniqué. Il doit parler au préfet de façon à prévenir deux assassinats. Puis il disparaît, laissant à l’huissier une enveloppe contenant une lettre et un paquet avec à l’intérieur, du chocolat, sur lequel il y a une empreinte de dents. Pendant ce temps, le préfet reçoit l’attaché d’Ambassade du Pérou, un avocat…et Don Luis Perenna…Puis il lit le testament de M. Mornington, dont Don Luis sera l’héritier à moins qu’il ne retrouve les descendants de deux tantes du défunt. L’héritage en jeu est colossal. C’est pendant cet entretien que Don Luis devine que Mornington, qui était son ami, n’est en fait pas mort de mort naturelle. Puis il retrouve Vérot, agonisant, qui a écrit trois lettres sur un bloc-notes : FAU.
Il découvre que FAU se rapporte à un certain Fauville. Puis Don Luis retouve son ancien collègue Mazeroux. Cacérès, l’attaché péruvien, le suit et veut le faire chanter (c’est en effet lui qui lui a procuré les faux papiers attestant bien de sa nationalité péruvienne) ; Don Luis le paie, et le met en garde, au cas où l’idée lui viendrait de le refaire chanter. Ensuite, lui et Mazeroux se rendent au domicile d’Hypolite Fauville et y rencontrent sa femme Marie-Anne, dont ils observent le comportement étrange. Don Luis et Mazeroux passent la nuit dans la maison afin de protéger les deux Fauville, le père et le fils. Mais au réveil, ils sont morts. Et ils portent les mêmes traces sombres sur le visage que Vérot. Quand la police arrive, ils soupçonnent d’abord Don Luis. Tout l’accuse, un message anonyme qui prévient la police qu’une turquoise lui appartenant se trouve dans le coffre-fort de Fauville. Et après vérification, elle s’y trouve bien. Mais les soupçons se portent ensuite sur Marie-Anne Fauville, laquelle était absente cette nuit-là, quand on découvre qu’elle était la cousine de son mari, qu’elle avait donc un intérêt à son assassinat (en raison de l’héritage) et que le fils Fauville était en fait son beau-fils. Enfin, on retrouve une pomme dans le jardin avec une marque de dents qui correspondra à la sienne. Elle est arrêtée.
Don Luis prend un hôtel particulier, il a son service une certaine Florence Levasseur. Mais les problèmes continuent. Il manque être écrasé par un rideau de fer, et se retrouve prisonnier. Pendant ce temps, la police va pour arrêter un individu suspect dont Don Luis a deviné qu’il réside Boulevard Richard-Wallace. L’homme appréhendé chez lui, un scientifique, s’appelle Gaston Sauverand. Il proteste de son innocence, et conduit les policiers dans un piège puis s’échappe. Don Luis arrive enfin à la rescousse, mais ne parvient pas à le rattraper. Peu de temps après, Sauverand réapparaît sur une bicyclette et tire sur Don Luis. Puis on découvre un morceau de la canne d’ébène de Sauverand dans le canapé de Don Luis, ce qui l’incrimine de nouveau. Don Luis trouve dans un volume de Shakespeare une lettre prévenant de l’explosion prochaine de la maison des Fauville. De plus, ces lettres apparaissent comme par miracle dans la maison, comme sorties de nulle part. Le contenu des lettres est incroyable : Fauville y accuse sa femme alors qu’il est déjà mort. Suite à l’analyse des trois lettres mystérieuses, on parvient à identifier une adresse, celle d’un certain Langernault, à Formigny. Don Luis et Mazeroux s’y rendent, et y découvrent les squelettes pendus d’un couple de paysans. C’est alors que dans la même grange, Don Luis découvre Gaston Sauverand et Florence Levasseur qui essaient de le tuer. Puis de retour à Paris, Don Luis les retrouve à nouveau. Sauverand lui explique tout. Sauverand aime Marie-Anne Sauville, et tous ses agissements n’avaient pour but que de la sauver, et s’il s’en est pris à Don Luis, c’est qu’il l’avait d’abord cru un ennemi. Sauverand lui demande maintenant de l’aide. Mais ça se passe mal. Sauverand est arrêté, Marie-Anne se suicide, Florence est en fuite, et Don Luis, dont la police connaît l’identité, est traqué par vingt agents de police devant son hôtel.
Commence la deuxième partie…Afin d’échapper à la police, Don Luis se cache dans une cavité à l’intérieur de son hôtel, mais il y reste coincé. C’est alors qu’il comprend tout, les lettres de Fauville, etc…Il parvient tout de même à récupérer un téléphone afin de prévenir la police que la maison des Fauville, devant laquelle ils sont stationnés, ainsi que le préfet, va exploser. C’est en fait Hypolite Fauville qui avait conçu un piège diabolique, afin de se débarrasser de sa femme dont il était jaloux. Mais les soupçons pèsent toujours sur Don Luis. Pourtant, contre l’avis de Mazeroux, il se rend au rendez-vous relatif à l’héritage. Il y explique que le véritable meurtrier devra s’y rendre aussi. C’est alors que Don Luis comprend que le vrai meurtrier n’est pas Fauville, mais quelqu’un d’autre, qui se cache dans l’ombre, et est derrière tous ces crimes et ces suicides. Pourtant, c’est Florence Levasseur (dont Don Luis est amoureux) qui entre, et parvient ensuite à s’enfuir. Don Luis veut la retrouver. Il est convaincu de son innocence. Il sait qu’elle est l’instrument de forces supérieures qui la manipulent. Don Luis est alors arrêté. Il demande à parler au président Valenglay, et obtient une entrevue secrète avec lui. Il lui demande la liberté provisoire afin de retrouver Florence et de débusquer le vrai coupable. Valenglay refuse, et Don Luis lui propose un incroyable marché. Valenglay accepte, Don Luis se précipite vers un aérodrome, se lance à la poursuite du ravisseur de Florence, et le retrouve enfin pour une confrontation finale au vieux-château, près d’Alençon. Il échappe une nouvelle fois à une mort certaine, libère Florence des griffes du tigre, et nous révèle la clé de l’énigme.
Arsène 1er, l’homme qui voulut être roi
Le marché que fait Lupin avec le président du conseil Valenglay, c’est un royaume qu’il échange contre sa liberté de vingt-quatre heures. Le royaume de Mauritanie qu’il offre à la France. Lupin raconte une incroyable histoire où, légionnaire, il défait quasiment une armée entière de Berbères, puis est capturé, s’échappe d’une mort horrible, et en devient le maître. Il fait venir soixante de ses compagnons fidèles, et ensemble ils organisent le royaume. « Arsène Lupin mort ayant ressuscité sous les espèces d’un sultan des Mille et Une nuits, Arsène Lupin règnant, légiférant, pontifiant, je voulais dans quelques années, je voulais, d’un coup de pouce, déchirer le rideau de tribus rebelles contre lesquelles vous vous exténuez au nord du Maroc, et derrière lesquelles, paisiblement et silencieusement, j’ai bâti mon royaume… »
« Les Dents du tigre », c’est donc aussi l’occasion d’en savoir enfin plus sur le passé de légionnaire de Lupin, souvent évoqué, mais seulement révélé dans ce livre étonnant.
© 2013- Les Editions de Londres