Romain suivit le garçon de bureau.
Ils longèrent un grand corridor sombre, tournèrent à droite, descendirent douze marches, traversèrent deux vestibules, une galerie, remontèrent un étage et demi, s’engagèrent de nouveau dans un corridor plus sombre que le premier, à la suite duquel se trouvait une grande pièce où deux messieurs en habit noir causaient à un bureau.
Caldas s’apprêtait à les saluer, quand il aperçut à leur cou certaine chaîne d’acier en sautoir.
Ces messieurs étaient deux huissiers de Son Excellence.
– Peste ! Il fait bon ici, se dit-il, de remuer trois fois la main avant de la porter à son chapeau. L’habit ne fait pas le chef.
Sur cet aphorisme trouvé, il perdit son guide. Le garçon de M. Le Campion avait brusquement tourné à gauche, Caldas prit à droite, hâtant le pas pour rejoindre son pilote. Il marcha droit devant lui, enfila le corridor B, descendit l’escalier 3, gagna l’aile nord, et comme il n’avait pas eu la précaution en passant le matin dans le Luxembourg de ramasser des cailloux à l’instar du Petit-Poucet, il se trouva complètement désorienté dans les parages du corridor L.
Un monsieur passa tête nue avec des paperasses sous le bras ; Romain l’aperçut avec plus de joie que Colomb les premiers oiseaux qui lui annonçaient la terre, et c’est avec l’anxiété du naufragé qu’il le pria de lui indiquer le cabinet de M. Mareschal.
– Attendez, lui dit le monsieur, nous sommes ici dans le corridor L ; tout au fond à gauche vous prenez l’escalier 5, vous le descendez jusqu’au bas ; vous traversez la cour de la fontaine, le portique, la cour des statues, et puis… mais au fait, non, c’est inutile, vous ne vous y retrouverez jamais.
– Au moins, Monsieur, dit Caldas, je vous en prie, enseignez-moi comment sortir d’ici.
– Toujours devant vous et ensuite toujours à gauche, dit le monsieur en s’éloignant.
– Bien obligé, lui cria Caldas ! Et il s’assit sur un coffre à bois.
– Je ne m’étonne plus, pensa-t-il, que la moitié des affaires restent en chemin ; il y a trop de détours dans ce sérail.
– Ah ! Vous voilà, grommela derrière lui une voix de mauvaise humeur, par où diable êtes-vous passé ?
Caldas reconnut le profil de son cornac.
– Vous me cherchiez ? demanda-t-il.
– Moi ! pas du tout, répondit le garçon ; mais puisque vous voilà, suivez-moi et tâchez de ne plus me perdre.
Caldas avait presque envie de prendre le pan de l’habit marron-clair, comme les enfants prennent le pan du tablier de leur bonne ; mais cette précaution fut inutile, et il arriva sans encombre au cabinet du chef de division.