« Les Tribulations d’un chinois en Chine » (publié en 1879) sont un chef d’œuvre méconnu. Un des rares romans français dont l’action se déroule entièrement en Orient, il tient une place à part dans l’œuvre de Jules Verne. C’est sûrement pour cela que Les Editions de Londres ont choisi de commencer la publication des œuvres verniennes avec ce livre. Elles ont fait plus que ça, c’est aussi la première publication des Editions de Londres qui ne se contente pas d’une illustration de couverture mais intègre six illustrations originales à l’intérieur de l’œuvre. D’ailleurs, si la lecture des « Tribulations d’un chinois en Chine » vous donne envie de découvrir d’autres livres « à la Chinoise », nous vous conseillons la lecture des Divagations d’un français en Chine de Vercors , publié aux Editions Kailash, avec des dizaines d’illustrations originales de Vercors.
Si Les Editions de Londres pourfendent les germanopratins dans l’article sur Jules Verne en leur reprochant notamment d’avoir associé Jules Verne à la littérature pour enfants, nous sommes aussi coupables puisque nous n’arrêtons pas de parler de notre enfance dés que nous nous attardons sur Jules Verne. Ainsi, il est indéniable que « Les Tribulations d’un chinois en Chine » eurent une influence non négligeable sur l’enfance des fondateurs des Editions de Londres. Les Tribulations sont avant tout une réflexion sur la vie humaine.
Résumé des Tribulations
Kin-Fo, le héros principal est un jeune chinois de la fin du Dix Neuvième siècle qui s’ennuie de la vie. Il cherche des émotions. Il est riche, voire richissime. Il est promis au mariage à une jeune beauté shanghaienne, Lé-Ou. Il a pour maître un ancien Taiping du nom de Wang. Un jour il apprend qu’il est ruiné, et décide d’annuler son mariage plutôt que de condamner la jeune Lé-Ou à une vie misérable en sa compagnie. Il envisage de mettre fin à ses jours, mais change d’avis et convainc son vieux maître Wang de s’en charger, puis souscrit une énorme police d’assurances sur la vie. Lorsque soudain il redevient riche, il veut épouser Lé-Ou et vivre, mais il est trop tard : Wang a disparu. Protégé par Craig et Fry, les détectives de la compagnie d’assurances, et accompagné par sa promise Lé-Ou et son domestique, il traverse toute la Chine pour retrouver Wang et le prévenir avant que celui-ci le prive de la vie qu’il a enfin apprise à aimer.
C’était une époque de spleen dans l’existence des fondateurs des Editions de Londres, et l’idée que le malheur et le bonheur sont inextricablement liés dans l’existence a profondément marqué notre imaginaire adolescent.
Mais il existe bien d’autres choses dignes d’être notées dans « Les tribulations d’un chinois en Chine ».
Les Tribulations et Candide
Sans prétendre être des spécialistes de Verne Les Editions de Londres voient un fort parallèle entre Voltaire, la tradition des contes philosophiques, et surtout Candide dans ce livre de Jules Verne. Il y a la naïveté de Kin-Fo, son manque de personnalité, ses considérations un peu spécieuses sur l’amour (Candide qui refuse de voir la vulgarité et la bêtise de Cunégonde, Kin-Fo qui refuse dans un premier temps de voir l’amour de Lé-Ou), il y a Wang, sorte de parallèle avantageux avec Pangloss, puis il y a leur disparition à tous deux dans la plus grande partie de l’ouvrage, et leur réapparition quasiment miraculeuse en fin de livre. Et puis il y a toutes ces aventures exotiques, teintées d’un Orientalisme occidental qui n’a pas tant évolué entre le milieu du Dix Huitième siècle et la fin du Dix Neuvième. Enfin, il y ce parallélisme à la fin de l’ouvrage : « Il faut cultiver notre jardin », qui s’oppose de façon amusante à « Il faut aller en Chine pour voir cela ! ».
Les Tribulations et Tintin
Le parallèle avec le célèbre reporter nous semble encore plus évident. D’ailleurs, cela n’a sûrement pas échappé à Philippe de Broca qui en portant les tribulations d’un chinois en Chine au cinéma semble trahir l’œuvre alors qu’il en met l’essence au grand jour, c’est-à-dire l’énorme influence que Les Tribulations auront sur la bande dessinée quelques décennies plus tard. En cela, Les Tribulations peuvent être considérées comme une œuvre précurseur. Kin-Fo, c’est un peu Tintin avec le spleen et les considérations métaphysiques. Craig et Fry, ce sont sans aucun doute Dupont et Dupond. S’il n’y a pas vraiment de capitaine Haddock, qu’on ne connaît aucune aventure amoureuse à Tintin, la ressemblance reste frappante, accentuée par le film de Broca, dont on pourrait dire qu’il fait le pont entre les deux œuvres ou encore souligne leurs traits communs, puisque le film emprunte largement aux Cigares du pharaon et au Lotus bleu, deux des meilleures BD jamais écrites. En conclusion, comme toujours, Les Editions de Londres osent et s’avancent à dire qu’au commencement on avait Candide, dont Verne s’est très vaguement inspiré, puis Kin-Fo qui a ensuite donné Tintin, dont Les cigares du pharaon et L’oreille cassée ont fourni la matière des « Aventuriers de l’arche perdue » à Steven Spielberg lequel, honnête, sort enfin Tintin. Alors, Monsieur Spielberg, à quand votre adaptation des Tribulations ?
Alors, n’attendez plus un instant : découvrez Les tribulations d’un chinois en Chine.
© 2011- Les Editions de Londres