« Nana » est un roman d’Emile Zola publié en 1880. C’est le neuvième volume des Rougon-Macquart. « Nana », c’est la fille de Gervaise et de Coupeau. C’est aussi le roman lubrique de Zola, celui qui dépeint la corruption morale du Second Empire à travers l’histoire de celle qui offre son corps au plus offrant.
Un roman lubrique ?
L’utilisation de l’adjectif n’est pas anodine. Lubrique nous semble tout à fait approprié. Quoique ce ne soit pas celui qu’utilise Zola, voici ce qu’il en dit : « Le sujet de Nana est celui-ci : toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne, qui n’est pas en chaleur et qui se moque des chiens qui la suivent. Le poème des désirs du mâle, le grand levier qui remue le monde. ». Alors, s’attaquer à des sujets de société qui ébouriffent son époque, ça n’a jamais fait peur à Zola. Quand « Nana » sort, la critique se déchaîne comme on pouvait s’y attendre. On promet à Zola l’enfermement à Charenton comme à Sade. La dimension sexuelle des romans de Zola échappe à beaucoup de nos jours, mais elle n’échappait pas à son époque. Or, c’est bien ce qui choqua le plus à la fin du Dix Neuvième siècle, pas la misère des mineurs, l’alcoolisme des ouvriers parisiens, les manipulations de Bourse des spéculateurs, la répression du 2 Décembre, les meurtres, ou les accidents de chemin de fer ; non, le sexe, le sexe cru, et si le sexe est un fil conducteur dans l’œuvre de Zola, conducteur de la filiation, des hasards des destins de deux familles, des envies qui bouleversent la vie quotidienne, qui sont derrière les haines et les complots sordides, nulle part dans l’œuvre de Zola le sexe n’est livré en pâture au voyeurisme des lecteurs comme dans « Nana ».
Résumé de Nana
Anna Coupeau est la fille de Gervaise et de Coupeau, la petite fille que l’on rencontre dans ce foyer dysfonctionnel de L’Assommoir. Au début du livre, on la découvre au théâtre des Variétés quand elle a dix-huit ans. On n’attend qu’elle ; elle apparaît, blonde et presque nue, dans le rôle de Vénus. Ses mouvements, ses déhanchements affolent les hommes. Pauvre, peinant à nourrir son fils qu’elle a eu à l’âge de seize ans, le roman raconte comment elle séduira, fascinera divers personnages de l’Empire, comment elle les ruinera sans éprouver le moindre scrupule, et comment ces derniers emploieront tous les moyens afin de satisfaire leurs irrésistibles appétits. Elle n’accède à leurs désirs que s’ils se ruinent à l’entretenir, et comme elle veut toujours plus, elle les mène à leur perte. Ils s’humilient, perdent tout, se suicident, mais tous la veulent, tandis qu’elle ne veut pas d’eux. Nana est une entreprise de destruction sociale à elle toute seule, une entreprise de destruction par le sexe. A un moment, elle vivra avec un comédien, le seul homme qu’elle aime, puis avec une prostituée, avec qui elle entretient des relations saphiques. Les amants se multiplient, elle finit toujours par céder au plus offrant du moment, avant de l’abandonner, exsangue, une fois qu’il lui a tout donné, tout sacrifié. A la fin du roman, elle meurt de la petite vérole, dans une agonie interminable, qui la défigure horriblement. Instrument du mal qui finit par payer ? Certainement pas, mais image de la corruption de son époque, certainement. Les frasques de Nana, c’est le régime de l’époque, c’est l’agonie de l’Empire où tout s’achète, tout se vole, où la possession matérielle permet d’assouvir les désirs les plus lubriques. Si Nana n’est pas le premier roman français à évoquer les frasques et la vie des courtisanes, « Nana » va plus loin dans la pornographie littéraire, si loin que l’intention de Zola ne devient que trop visible. Nana, dont les courbes suscitent les passions, conduisent aux pires folies, qui sera adulée pour ce qu’elle est, une putain entretenue, mais qui mourra défigurée, comme si tout le vice caché éruptait à la surface, « Nana », c’est la représentation du Second Empire.
© 2012- Les Editions de Londres