François Villon est un poète français du Quinzième siècle. Il naît à Paris en 1431, sous l’occupation anglaise, et disparaît en 1463, suite à une nouvelle condamnation qui le force à quitter Paris une nouvelle fois. On ne retrouvera jamais sa trace. Nul ne sait ce qu’il est advenu du plus grand poète français du Moyen-Âge. Villon laisse une œuvre poétique à la fois simple (la fraîcheur de la langue, les sentiments exprimés…) et complexe (de nombreux siècles se sont écoulés, et ont distancié le texte, même traduit en français moderne). Ceux qui s’inspirent de lui, se réclament de lui, ou lui rendent hommage, sont innombrables.
Biographie
François de Moncorbier, dit des Loges, naît à Paris en 1431. Orphelin, il est confié à Guillaume de Villon, chanoine de Saint-Benoît-le-Bétourné, une église située sur la rue Saint-Jacques, à côté de la Sorbonne. François fait des études et adopte le patronyme de son père adoptif. En 1449, il est reçu bachelier à la faculté des arts, puis devient licencié et maître es arts la même année. Pour comprendre Villon et la suite de son histoire, il ne faut pas le rêver en mauvais garçon qui s’assied sur le parapet après un méfait pour composer un poème. Il faut comprendre la France et surtout le Paris de la fin de la guerre de Cent ans. Paris n’a rien à voir en 1449 avec ce qu’elle est cinq siècles plus tard. Paris sort de ses ruines suite à l’occupation anglaise. La nuit, les loups entrent dans la ville. Les bandes de pillards, de voleurs et de mendiants sillonnent les routes de France. Suite à la « fin » de la guerre, la population parisienne est saisie d’un grand mouvement d’euphorie. Débauche, beuveries, fornication, mais aussi bagarres, meurtres et viols, on trouve un peu de tout dans les rues pas vraiment sûres du Paris de l’époque. Le Paris médiéval est un Paris de mixité sociale, où tous se côtoient, même si les classes sociales continuent à protéger leur intégrité par le mariage et les alliances. Dans ce contexte, on peut être un enfant adoptif, être adopté par un ecclésiastique sans problèmes financiers, entrer à l’Université, l’un des principaux creusets intellectuels de l’époque, et sortir licencié, écrire des poèmes, mais aussi rencontrer des femmes, boire et se battre. De plus, les étudiants étaient à l’époque de vrais fauteurs de troubles. Dans un monde plus dur et plus cruel, mais moins systématiquement policé, il était tentant et facile de défier les autorités. Et cela arrivait souvent. Quelques exemples… Il existait devant l’hôtel d’une demoiselle de Bruyères une grosse borne de pierre appelée le Pet au Diable. Un soir, les étudiants emportent la pierre et la déplacent jusqu’à la montagne Sainte-Geneviève. La demoiselle en question porte plainte, la justice s’en mêle, et la pierre est transportée jusque dans la cour du Palais. Les étudiants sont mécontents et entrent dans le palais pour récupérer le Pet au Diable. Puis ils font de même avec une pierre nommée la Vesse. Cette pierre devient le sujet de rituels hilarants, sauf pour les passants qui sont obligés de s’arrêter pour prêter serment. S’ensuivent de nouveaux troubles à l’ordre public, des bagarres, émeutes etc. On peut supposer que Villon a du prendre part à certains de ces évènements. Enfin, il était assez courant pour les étudiants, ainsi que pour les compagnons de la Basoche (association de juges, de clercs, de gens de justice avec leurs propres traditions, armoiries, symbole d’une certaine irrévérence vis-à-vis des autorités royales ; ils élisaient un roi de la Basoche, jouaient des soties, des représentations théâtrales, étaient particulièrement actifs lors de la fête des fous…), de voler les enseignes de l’époque. Mais les choses deviennent plus graves quand un soir en 1455, il rencontre un certain Chermoye, se dispute avec lui, se bat à la dague. Villon est blessé au visage, Chermoye meurt deux jours plus tard. Villon est banni, mais ses amis envoient des lettres de rémission pour le défendre. Il doit quitter Paris et se cacher pendant sept mois. Puis il rentre à Paris. Il reste dans la capitale jusqu’à Noël 1456. Il quitte de nouveau Paris, cette fois pour Angers. Il compose son premier poème célèbre, Le Lais. À la même époque, un vol de cinq cents écus d’or est perpétré dans la sacristie du Collège de Navarre. Au départ, on ne soupçonne pas Villon, mais tout change quand l’un des présumés complices, Guy Tabarie, est arrêté et soumis à la question, et qu’il le dénonce. L’un des complices est pendu. Villon retourne sur les routes. Il passe par Bourg-la-reine, Angers, Bourges, puis il arrive à Blois en 1458 à la cour du duc d’Orléans. Il s’y installe, écrit des poèmes, mais il y est incarcéré en 1460, sans que l’on sache pourquoi. C’est Marie d’Orléans qui le fera relâcher. En 1461, il est dans une prison ecclésiastique à Meung-sur-loire. Au passage de Louis XI, on le libère. Il passe par Moulins et retourne à Paris en 1461. Il commence Le Testament fin de l’année 1461. Il est emprisonné de nouveau, probablement à cause de l’affaire des écus volés au Collège de Navarre. Il ressort, mais retombe dans les problèmes. Un soir, passant dans la rue de la parcheminerie avec trois amis, il s’arrête devant l’étude d’un notaire, Thomas Ferrebouc ; s’ensuit une rixe et des crachats dans l’étude. Il est arrêté le lendemain, mis à la question, et condamné à être pendu. Villon est sûr de vivre ses dernières heures. Il écrit la célèbre Ballade des pendus. Mais au dernier moment, le jugement est cassé, et la peine de Villon est commuée en bannissement pour dix ans. Il disparaît. Personne ne sait ce qu’il est devenu. (Nous remercions Robert Guiette pour son excellente introduction aux Poésies de Villon).
L’un des symboles du Moyen-Âge
Villon est un des personnages les plus célèbres du Moyen-Âge. Il était assez connu de son vivant, mais sa popularité est immédiate quand ses œuvres sont éditées chez un éditeur Pierre Levet, et rééditées régulièrement jusqu’au début du Seizième siècle, lorsque François Ier commence à s’attaquer aux libertés et aux symboles de liberté du Moyen-Âge : imprimerie, suppression des droits des basochiens etc. Au Seizième siècle, de son nom de famille on fait des verbes et des noms communs : villonner signifie duper, tromper… Villon sera quelque peu oublié puis redécouvert à la fin du Dix Neuvième siècle et surtout au Vingtième. Les auteurs à s’intéresser à Villon ou à se réclamer de lui sont nombreux : Rabelais, Hugo, Théophile Gautier, Baudelaire, Rimbaud, Stevenson, mais aussi Tristan Tzara, Léo Ferré, Brassens…
Villon et Rimbaud
Le parallèle est facile : poète, mauvais garçon, difficulté d’insertion, voyageur, et le départ vers l’inconnu. Mais la comparaison s’arrête là. Villon secoue l’arbre fatigué de la poésie médiévale, parfois un peu trop formaliste ou sentencieuse, il est souvent emprisonné, repris de justice, coupable d’associations de malfaiteurs. Il est avant tout médiéval, un produit de son époque, avec ses spécificités et ses contradictions, meurtre et piété, beuverie et études, filles de joie et poèmes célébrant la beauté et la pureté féminines. Notre siècle invente un Villon alors qu’on ne peut l’appréhender à moins de se projeter intuitivement à son époque. Exemple : la soi-disant érudition de Villon. Voici ce qu’en dit Blaise Cendrars: « Un savant, François ? Permettez-moi de rire. C’était un pauvre petit bachelier qui…avait acquis un certain vernis de science, des questions, des débats de religion, de philosophie ou de morale, aujourd’hui oubliés et désuets, et qui nous paraissent d’autant plus prodigieux que seuls des spécialistes, c'est-à-dire les érudits qui se sont usés dessus pour les comprendre, nous les exposent, mais en cabinet et non plus sur la place publique…ce qui en fausse le sens et la portée. »
Rimbaud est un vrai romantique, un pur produit du Dix Neuvième siècle qui par son génie sut influencer aussi bien le siècle qui suivit. Pour nous, Villon et Rimbaud n’ont pas grand-chose à voir. C’est juste que notre époque voudrait que Villon précédât Rimbaud. C’est plus logique, cartésien, donc désirable. Disons qu’ils auraient eu des choses à se dire, qu’ils représentent tous les deux une alternative aux conventions, mais la société bourgeoise dans laquelle naît Rimbaud, et qu’il finit par abandonner, a si peu à voir avec la ville médiévale, que toute comparaison nous semblerait abusive.
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