Préface des Éditions de Londres
« René » est un roman de François-René de Chateaubriand publié en 1802. Cette œuvre est déjà beaucoup plus traditionnelle du Romantisme, puisqu’on en retrouve les thèmes classiques. On peut aussi dire de « René » et de son mal-être qu’il annonce déjà la révolte des générations futures (Rimbaud, Baudelaire, Beat etc.). « René », c’est aussi Chateaubriand jeune. En cela, c’est un premier moment presque autobiographique.
Bref résumé
René est exilé dans la tribu des Natchez. Il raconte l’histoire de son exil : trainant son mal-être, amoureux de sa sœur Amélie, laquelle est aussi amoureuse de lui, elle s’enferme au couvent et il part en Amérique. Il mourra sans trouver le bonheur. Pour combattre le « vague des passions », seul existe l’espoir de la religion.
René est devenu le symbole du « mal du siècle », c’est aussi une thérapie, voire une psychanalyse de Chateaubriand.
Le mal du siècle
Voyons plutôt son autoportrait de dépressif aux comportements labiles : « Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal. Tour à tour bruyant et joyeux, silencieux et triste, je rassemblais autour de moi mes jeunes compagnons ; puis, les abandonnant tout à coup, j’allais m’asseoir à l’écart, pour contempler la nue fugitive, ou entendre la pluie tomber sur le feuillage. ».
Il est amoureux de sa sœur : « Timide et contraint devant mon père, je ne trouvais l’aise et le contentement qu’auprès de ma sœur Amélie. Une douce conformité d’humeur et de goûts m’unissait étroitement à cette sœur. »
« René » est une confession pleine de surprises : « Les Européens, incessamment agités, sont obligés de se bâtir des solitudes. Plus notre cœur est tumultueux et bruyant, plus le calme et le silence nous attirent. », impression d’une réflexion permanente sur la mort : « O hommes, qui ayant vécu loin du monde, avez passé du silence de la vie au silence de la mort, de quel dégoût de la terre vos tombeaux ne remplissaient-ils point mon cœur ? »
On y retrouve aussi le goût du voyage : « Cependant, plein d’ardeur, je m’élançai seul sur cet orageux océan du monde, dont je ne connaissais ni les ports ni les écueils. Je visitai d’abord les peuples qui ne sont plus ; je m’en allai m’asseyant sur les débris de Rome et de la Grèce, pays de forte et d’ingénieuse mémoire, où les palais sont ensevelis dans la poudre, et les mausolées des rois cachés sous les ronces.»
Voici comment il se décrit : « Un jeune homme plein de passions, assis sur la bouche d’un volcan ».
La poésie de son texte : « L’astre, enflammant les vapeurs de la cité, semblait osciller lentement dans un fluide d’or, comme le pendule de l’horloge des siècles. »
Et voici le mal-être ; la modernité de ces phrases est étonnante : « On m’accuse d’avoir des goûts inconstants, de ne pouvoir jouir longtemps de la même chimère, d’être la proie d’une imagination qui se hâte d’arriver au fond de mes plaisirs, comme si elle était accablée de leur durée, on m’accuse de passer toujours le bruit que je puis atteindre… »…on dirait presque des paroles de rock : « Sans parents, sans amis, pour ainsi dire seul sur la terre, n’ayant point encore aimé, j’étais accablé d’une surabondance de vie. » ou « La nuit, lorsque l’aquilon ébranlait ma chaumière, que les pluies tombaient en torrent sur mon toit, qu’à travers ma fenêtre, je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés, comme pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me semblait que la vie redoublait au fond de mon cœur, que j’aurais eu la puissance de créer des mondes. »
« René » est un des chefs d’œuvre de la littérature romantique.
©Les Éditions de Londres