II

LA VACUITÉ DU RIEN – LA CADENCE – LA FORMATION

Est-ce un miracle dans la succession des récits que la mémoire populaire transmet de génération en génération, ces scoops d'un événement redit, une rengaine, un air entêtant, un dicton fredonné ? Dans le merveilleux légendaire, ce qui se transporte depuis la première trouvaille d'une coquille de nacre aussitôt dédiée à une femme – nu de la nativité, alors que le sexe se confond sans tabou avec un rituel nécessaire à la perpétuation de l'espèce humaine aussi en danger hier qu'aujourd'hui dans des contextes différents – le joyau irisé, posé dessus, qui sublime ses contours adipeux ?

Dans la suie l'être macère, traverse des ères successives de millions d'années de métamorphoses. À la fin le mystère s'empare de la seule cellule que l'être n'a pas expérimentée au cours de ses pérégrinations eschatologiques. Près de lui le mystère l'assigne à s'asseoir. Par inadvertance, on les retrouve côte à côte : L'être a bien dormi, il se réveille après sept ans ainsi le répète la chanson, un saint le libère de la huche où l'esprit le tenait enfermé. Il est devenu une boule de pâte à pain au levain vivant. Rafraîchi par les moussons de rosée, adepte des averses de jouvence, il se renouvelle en sa donation solaire. L'être latent reposait. Il a attendu, inoccupé, en friche.

La Vacuité est une sorte de Jachère.

Elle est un repos métabolique qui permet au sol de se reconstituer : une disponibilité, un sens de l'inutile. Elle se nourrit des caprices du désir coulés dans le suc des tiges, des racines, des graines, des pétales multicolores. Un réservoir se forme. Sur l'herbe des végétaux sauvages migrent, tapissent ce terrain vague en patchwork. La tentative fruste se profile d'un rassemblement des énergies manifestées sous divers aspects qu'illustrent les hectares écossais, les damiers pigmentaires. Un tartan se déroule dans les couloirs venteux des ondes dévidées en maintes directions versatiles.

La Vacuité est ouverte à tous les vents.

Ils s'y engouffrent, irruption intempestive dans un réel, où la calme et irréversible montée des sèves le long des hampes ne laisse rien prévoir des emportements de la houle cyclique. Les champs brusquement perdent leur identité herbeuse, fusionnent avec des mini-cyclones qui essaiment des craquelures de branches : Que de verses, de crissements des ramées, de bris de pailles, d'écorces. La paisibilité éternelle d'un panorama végétatif s'emballe en des courses circulaires, tourbillons inversés d'avoine, rotonde en sens contraires des trembles, retours de cadran, torsions des renversements à venir des voltes d'une spirale qui martèlent le temps.

La Cadence escorte ces bouleversements diluviens, imprime ses révolutions, cote les règles de graduations inédites. Elle impose au désordre le tempo de sa toute puissance régulatrice même des chaos extrêmes. Le tohu-bohu ne lui fait pas peur. Rien ne l'atteindra dans sa propulsion intérieure qui, de n'importe quelle façon, s'effectue. Elle agit sur les bords de la toile où le monde prend place en son berceau extensible, qui d'un coup s'étend, d'un coup se rétracte, ainsi bondissant par une motilité spastique dans les univers de l'immense.

FIN DE L’EXTRAIT

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