II.
« MON PIED LA ROUTE »

Le train du Soudan part tous les mardis. Alors les bateaux s'arrangent pour arriver le mercredi !

C'est bien. Cela vous met tout de suite au pas.

Il n'est pas recommandé, en effet de débarquer en Afrique crachant le feu, le diable au corps et des fourmis dans les jambes.

Ce pays n'aime pas que chez lui on fasse le malin.

Autrement il vous envoie tout de suite son gendarme. C'est le soleil.

Le soleil paraît. Il frappe sur votre nuque et vous dit : « Veux-tu rentrer chez toi et marcher plus lentement. »

Vous pouvez lui désobéir une première fois ; peut-être ne dira-t-il rien, étant bien au-dessus de nous !

Mais si vous êtes incorrigible, que vous le dérangiez trop souvent, il viendra avec son bâton, un gros bambou, et vous en assénera un coup retentissant sur le crâne. Vous serez bien avancé !

Six jours avaient passé. Le voyage noir commençait. J'allais prendre mon pied la route, comme disent les nègres, ce qui signifie partir. Ce serait le Sénégal, la Guinée, le Soudan, la Haute-Volta, la Côte d'Ivoire, le Togo, le Dahomey, le Gabon, le Congo.

Après Dakar, Tombouctou ! Je cherche à vous lancer des noms connus : Ouagadougou ! La brousse ! La forêt, les coupeurs de bois, les chercheurs d'or, les poseurs de rails. Ah ! Les poseurs de rails ! Les grands fleuves que l'on ne finit plus de remonter, les maisons de boue qui sont bien les plus vastes fabriques de chaleur en conserve signalées jusqu'à cette date. Ce serait de l'auto, du chaland, du chemin de fer, du cheval, du chameau, de la pirogue, du Decauville, du tipoye. L'empire noir de la République. Ses sujets, ses maîtres. Le pays inconnu des habillés de blanc et des humains tout nus. Ce serait...

Soudain quelqu'un me demanda :

— Avez-vous de la vaisselle ? du mobilier ? Combien de caisses ?

J'étais sur le quai de la gare, à Dakar.

— Combien de caisses ? Dix ? Vingt ? Trente ? Quarante ? Je dois le savoir pour le nombre de fourgons.

— Moi, dis-je, j'ai une valise.

— Une valise ? Où allez-vous ? Partout !

L'employé blanc du trafic tourna le dos, haussant les épaules.

Il est donc des gens qui voyagent avec quarante caisses ? S'il en est et qu'ils ne soient pas décorés de l'ordre de la voie ferrée, le ministre des Travaux Publics est un grand négligent !

L'employé avait dit vrai.

…/…

FIN DE L’EXTRAIT

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