Le « Traité sur la tolérance » est une œuvre de Voltaire, publiée en 1763. Ce texte s’inscrit dans le contexte de la fameuse Affaire Calas. Jean Calas est un Huguenot de Toulouse, accusé d’avoir assassiné son fils pour le punir de s’être converti au Catholicisme. S’ensuit un procès, ou plutôt une parodie de justice, à la suite duquel il est condamné au supplice de la roue, à la torture, puis étranglé et enfin brûlé. A aucun moment il n’avoue.
Que celui qui a déjà obtenu la révision d’un procès d’un innocent exécuté se permette de critiquer Voltaire
Un an après l’exécution de Calas, Voltaire s’empare de l’affaire, et publie le « Traité sur la tolérance ». Suite à la publication, l’édifice sur lequel s’était fondé l’accusation, une somme de mensonges, s’écroule, pan par pan, et Voltaire obtient la révision du procès. En 1765, Calas est déclaré innocent. En 1787, Louis XVI promulgue un Edit de tolérance, qui garantit une plus grande liberté confessionnelle aux Protestants. Calas se réjouit sûrement. Mais sans excès. Il est mort. En cela, le déni de justice reste « réparable » quand La peine de mort est abolie. A tous ceux qui s’opposèrent à l’abolition de la peine de mort en France jusqu’en 1981, il fallait rappeler l’affaire Calas, il fallait envoyer un exemplaire du « Traité sur la tolérance ».
La France et les religions
Si la France de la fin du Dix Neuvième siècle est furieusement antisémite, on se rend difficilement compte à notre époque laïque des tensions qui existaient du Seizième siècle à la Révolution entre les Catholiques et les Protestants : Saint-Barthélemy, Edit de Nantes, Révocation de l’Edit de Nantes, exode des Huguenots…L’histoire de France est une longue litanie d’injustices et de massacres religieux. En ce sens, une interprétation de la Révolution, c’est la volonté de substituer l’autorité religieuse, symbolisée par le Roi, par celle de l’Etat, et ainsi d’achever enfin l’unité de la France, commencée par Louis XI, à marche forcée. Les Révolutionnaires sont bien conscients des empilages de tombes sur lesquelles s’élèvent les générations, et ces morts, on les doit aux guerres de religion.
Une Affaire Dreyfus avant la lettre
Le premier chapitre du « Traité sur la tolérance », c’est un J’accuse à la puissance dix. Voltaire n’est pas seulement journaliste, avocat, philosophe, il est aussi renversant. Rendez-vous compte : …si un père de famille innocent est livré aux mains de l’erreur, ou de la passion, ou du fanatisme ; si l’accusé n’a de défense que sa vertu : si les arbitres de sa vie n’ont à risquer en l’égorgeant que de se tromper ; s’ils peuvent tuer impunément par un arrêt, alors le cri public s’élève, chacun craint pour soi-même, on voit que personne n’est en sûreté de sa vie devant un tribunal érigé pour veiller sur la vie des citoyens, et toutes les voix se réunissent pour demander vengeance. Les Editions de Londres vous recommandent absolument de télécharger le texte et de lire le premier chapitre en parallèle avec J’accuse de Zola. Voltaire, plus de cent trente ans avant Zola, nous époustoufle par son sang-froid, son humanité, sa féroce volonté de rétablir la vérité. On peut longuement disserter de la problématique du courage chez Zola. Ce n’est pas le rôle des Editions de Londres de juger Emile qui paya de sa vie son engagement en faveur de Dreyfus. Mais en Voltaire, on applaudit le courage de l’esprit libre.
Contre le fanatisme
Passés les premiers chapitres, le « Traité sur la tolérance » est avant tout un traité contre le fanatisme religieux. Voltaire s’en prend aux Jésuites et à tous les dogmatiques de tous bords. La religion qui s’installe au milieu de la place publique, cela ne signale jamais rien de bon. Quand elle se mêle de politique, de morale, de régimenter au lieu d’inspirer nos vies, la religion perd ses repères et s’égare. Elle devient l’autorité alors qu’elle en fut la némésis.
Et si l’histoire de la civilisation, c’était tout simplement celle de la « privatisation » du sentiment religieux ? Voltaire est en faveur de la religion, à condition qu’elle soit assagie. Moins de dogmes, moins de disputes, écrit-il. Si le meilleur moyen pour les sociétés de s’éloigner de la barbarie sur le long terme, c’était justement de sortir la religion de la place publique ? En cela, avec son expérience douloureuse, la France moderne n’aurait pas tout à fait tort dans son traitement des religions, et la récente stigmatisation de tous les musulmans en réaction aux actes de quelques agitateurs serait à proscrire. Nous sommes enclins à suivre le conseil de Voltaire : Plus il y a de sectes, moins chacune est dangereuse ; la multiplicité les affaiblit ; toutes sont réprimées par de justes lois qui défendent les assemblées tumultueuses, les injures, les séditions, et qui sont toujours en vigueur par la force coactive.
Les Editions de Londres encouragent vivement les études théologiques, puisque avec elles naissent les arguties. Ainsi, contre le fanatisme, vivent les schismes !
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