Alfred Jarry (1873-1907) est un romancier et dramaturge français.
Il est né à Laval quelques années après la fin du Second Empire. Qu’il soit né à Laval, en dépit de la grande considération que les Editions de Londres portent envers la Bretagne (pas très surprenant pour une maison d’édition en ligne basée en Grande-Bretagne), franchement cela nous importe peu. Erreur, erreur grave. S’il naît à Laval c’est tout petit qu’il s’installe à Saint-Brieuc, où déjà, génie précoce, à l’instar de Rimbaud, Lautréamont, dont Les Editions de Londres sont de grands admirateurs, il écrit, des comédies, en vers et en prose. Mais c’est surtout son séjour à Rennes et ses études au lycée de Rennes en 1888 qui sont à l’origine de l’un des personnages les plus célèbres de la littérature, Ubu.
L’origine de Ubu est très claire. C’est un professeur de physique, Monsieur Hébert, qui incarne aux yeux de ses élèves « tout le grotesque qui est au monde ».
Franchement, en lisant cela, Les Editions de Londres ne peuvent, et certainement à tort, s’empêcher d’envier le monde protégé dans lequel semblent vivre le petit Jarry et ses amis. C’est un monde où le proche est proche, le lointain éloigné, pas comme le monde actuel où tout ce qui devrait être proche est lointain et tout ce qui est lointain est soudain devenu si proche. C’est un monde plus proche de celui du Petit Nicolas que le monde réel dans lequel Les Editions de Londres, leurs contributeurs et leurs familles, vivent. Car à l’heure où j’écris ces lignes, « tout le grotesque qui est au monde », ce n’est malheureusement pas un professeur de physique, ni même le souvenir d’un collègue imbécile, ou tout autre chose de finalement assez anodin. Ce serait plutôt, et je ne vous donne qu’un florilège à un instant t, l’affaire DSK, avec son cortège de socialistes français, anciens ministres, maire de New York qu bafoue sans ciller le principe de présomption d’innocence, policiers américains, juges et avocats de l’Etat de New York, trafiquants de drogue guinéens…Ce sont les avions de l’OTAN qui bombardent la Libye sans même en chercher un, d’alibi, sans avoir tiré le moindre enseignement des formidables succès que sont la guerre en Irak, en Afghanistan, ou les soulèvements de Tunisie et d’Egypte…C’est la fascination pour Pippa Middleton et les gros titres sur des sujets aussi essentiels que l’envol des ventes de robes rouges de la même marque que celle qu’elle portait il y a deux jours à Wimbledon, ou encore les sempiternelles déclarations xénophobes de Iain Duncan Smith, lequel visiblement a fini par trouver la clé du placard dans lequel on l’avait enfermé. Pour Les Editions de Londres, c’est cela tout le grotesque qui est au monde. Et c’est comme ça tous les jours de l’année.
D’ailleurs on se demande sérieusement si ce n’est pas cette entropie accélérée du réel qui serait à l’origine de la difficulté des écrivains à trouver des sujets susceptibles d’exciter l’imagination des lecteurs. Dans un monde où le réel, transformé par les éclairages des médias audiovisuels, a dépassé l’art en complexité, en richesse, en outrance, ce n’est plus le réel qui finit par ressembler à l’art (Oscar Wilde) mais plutôt l’art qui finit par ressembler au réel (Chuck Palahniuk). Il existe donc bien à notre époque un besoin urgent de commencer une réflexion générale sur la littérature.
Cette réflexion, Jarry la commence à la fin du Dix Neuvième siècle. C’est probablement pour cela que Jarry n’a jamais autant été d’actualité. Si Jarry naît dans un monde absolument ridicule, nous vivons dans un monde tout aussi absurde, une évidence je vous l’accorde, mais un monde qui exige l’admiration et le consentement de ses victimes.
Et là nous mettons notre veto. Comme Ip Man dans cette fameuse scène de Ip Man, Les Editions de Londres veulent bien endurer la présence des bourreaux, mais leur reconnaître plus d’importance que la mouche qui circule dans mon appartement, leur accorder du respect, cela, non.
Je me répète, afin d’être bien compris. S’il existe un Monsieur Hébert dans la classe de Jarry, s’il impose son monde à l’imagination d’adolescents, Monsieur Hébert disparaît à chaque son de cloche, et ne revient qu’une semaine plus tard. Notre monde, c’est un peu Ubu ou Monsieur Hébert apparaissant en permanence sur les écrans géants de 1984.
Pour en revenir à Jarry, qui décidemment nous inspire (d’ailleurs, avez-vous remarqué comme les génies précoces, Jarry, Rimbaud, Lautréamont, Radiguet pour ne citer qu’eux, meurent jeunes ?), c’est pour Les Editions de Londres une des figures essentielles de la littérature française, et de l’héritage humain. Plus que les Dadaïstes, les Surréalistes, Ionesco, qui s’en inspireront, il représente à nos yeux la systématisation sans système avec la pataphysique, la théorisation de cette pataphysique avec les Gestes et opinions du Docteur Faustroll, la déification de l’absurde avec Ubu. Alors, lisez Ubu roi, Ubu roi, Ubu enchaîné, Ubu cocu, Ubu sur la butte. Et lisez aussi L’Île du Diable.
Vous ne vous en repentirez pas. Et la prochaine fois que vous rencontrerez l’imbécile qui vous martyrise au bureau, usez donc du croc à phynances et passez le à la trappe à nobles.
© 2011- Les Editions de Londres
Ce livre est dédié à MARCEL SCHWOB
Adonc le Père Ubu hoscha la poire, dont fut depuis nommé par les Anglois Shakespeare, et avez de lui sous ce nom maintes belles tragœdies par escript.