« Mémoires, tome trois » est la troisième partie des Mémoires d’Eugène-François Vidocq, le célèbre chef de la Sûreté. « Mémoires, tome trois » fait suite à Mémoires, tome un et Mémoires, tome deux, déjà publiées aux Editions de Londres.
La criminologie, suite : classification des voleurs
Si la verve et l’imagination de Vidocq s’essoufflent un peu dans ce tome trois (en réalité le tome quatre de l’édition originale), ses commentaires sociétaux, et surtout son apport bien méconnu à la criminologie balbutiante, ont une grande valeur historique et sociologique. Comme nous l’expliquions dans une préface précédente, ses descriptions offrent aussi une image du Paris de la Restauration d’une grande valeur documentaire, et nous rappellent que l’histoire ne se « ressent » vraiment que par la lecture de ceux qui la firent. Il distingue les criminels suivants :
Les cambrioleurs : « Les cambrioleurs sont les voleurs de chambres, soit à l’aide d’effraction, soit à l’aide de fausses clés. A la ville, c'est-à-dire hors de leurs occupations habituelles, il n’est pas très difficile de les reconnaître, ce sont pour la plupart des jeunes gens dont les plus âgés n’ont pas plus de trente ans… »
Les chevaliers grimpants : « Les chevaliers grimpants, que l’on nomme aussi voleurs aux bonjours, donneurs de bonjours, bonjouriers, sont ceux qui, s’étant introduits dans une maison, enlèvent à la passade le premier objet qui leur tombe sous la main. »
Les boucardiers : « On appelle boucardiers les voleurs de boutiques pendant la nuit. »
Les détourneurs et détourneuses : « Le vol à la détourne est celui qui se commet en faisant des emplettes dans une boutique. Ce vol est pratiqué par les individus des deux sexes ; mais les détourneuses sont en général réputées plus habiles que les détourneurs. »
Voleurs et voleurs sous comptoir : « Le vol sous comptoir est une invention toute moderne ». En fait, une escroquerie assez compliquée qui vise à s’attirer la confiance de deux commerçants voisins, en faisant l’aller-et-retour entre les deux boutiques, mais l’escroquerie fonctionne parce qu’aucun des deux boutiquiers ne connaît la vérité sur ce qui se dit.
Les careurs : une autre escroquerie, visant à rouler un brave commerçant avec des pièces rares.
Les rouletiers : « Les rouletiers sont ceux qui volent les malles, les vaches ou autres effets sur les voitures, quelles qu’elles soient. »
Les tireurs : les voleurs à la tire.
Les floueurs : une escroquerie visant à attirer le provincial ou l’étranger dans un cabaret pour le duper sous prétexte de lui offrir la possibilité de faire des gains.
Les emporteurs : encore une escroquerie, très sophistiquée, qui vise à duper l’étranger.
Les emprunteurs : une énorme escroquerie, visant à voler de grosses sommes à quelqu’un qui espère faire des gains.
Les grèces ou soulasses : une nouvelle escroquerie, qui vise à rouler le pigeon qui espère faire un gros bénéfice.
Les ramastiques : idem.
Les escarpes ou garçons de campagne : des assassins que l’on trouve à la campagne.
Les riffaudeurs : « Ce sont des voleurs qui chauffent ou plutôt brûlent les pieds des personnes, pour les contraindre à déclarer où est leur argent. ». Ce que l’on connaît surtout comme les chauffeurs.
Considérations sur la corruption de la police
A travers l’histoire malheureuse d’Adèle, « une de ces madones divines, enfantées par l’imagination de Raphaël. », Vidocq en profite pour faire le point sur la corruption de la police de l’époque, qui conduit Adèle à la déchéance : « C’était, le croira-t-on, dans l’hôtel du magistrat chargé de réprimer toutes les dépravations sociales, qu’était ce bureau des mœurs, où une jeune fille, que souvent la moindre remontrance aurait rendue à la pudeur, obtenait toujours l’autorisation d’exercer le plus vil des métiers. Un bureau des mœurs, où l’on accordait la licence de n’en pas avoir ; un préfet, sous les auspices de qui cette licence était pratiquée : quelle morale ! et pourtant ce préfet était quelquefois un dévot. »
© 2014- Les Editions de Londres