Le « Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole » est un récit de voyage rédigé à partir du journal écrit entre 1785 et 1788 par Jean-François Galaup de La Pérouse. Comme le Voyage autour du monde de Bougainville, il s’agit d’un document et d’un livre uniques, complément indispensable à la compréhension du Siècle des Lumières, mais aussi un document ethnographique, anthropologique, scientifique d’une portée unique.
La genèse du texte, le « Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole
Avant tout, nous tenons à remercier Hélène Patris pour son travail étonnant sur La Pérouse et sur le texte, ainsi que le festival Etonnants voyageurs, François Bellec, l’association Salomon, dont l’ensemble des travaux et la lecture ont été inestimables et indispensables pour la rédaction de cette préface.
Contrairement au livre de Bougainville, paru à une époque encore « stable », ouvrage si célèbre à la fin du Dix Huitième siècle que Diderot en écrivit le Supplément au voyage de Bougainville, le « Voyage autour du monde… » de La Pérouse est posthume. En effet, les deux frégates commandées par La Pérouse disparaissent corps et biens mi 1788, environ un an avant la Révolution. Si l’Assemblée constituante vote l’expédition D’Entrecasteaux, chargée de retrouver les traces de La Pérouse, que la Convention demande par décret l’impression des documents relatifs à l’expédition, c’est une époque lourde en évènements. Entre 1791 et 1793, il y a la Terreur, la décapitation du Roi, le décret de Mars 1793 punissant d’exécution capitale tout écrivain, éditeur, imprimeur d’écrits contre-révolutionnaires. Or, le travail demandé par la Convention avait d’abord été confié à Fleurieu, nommé Ministre de la Marine après le départ de De Castries. Mais Fleurieu est emprisonné. C’est donc Milet-Mureau qui se met à la tâche délicate de rédiger le journal de La Pérouse. Le problème, c’est que la France de l’époque ne prête pas vraiment à la liberté d’expression (voir le décret de mars 1793 punissant les écrits contre-révolutionnaires), et cette époque se prête t-elle à la rédaction du journal de bord d’une expédition royale, commanditée par le Roi que l’on vient d’exécuter ? Pourtant, si le Roi a été exécuté, si La Pérouse, mort avant la Révolution, ne peut être accusé de dérive contre-révolutionnaire, si les rédacteurs « logiques » de ce journal de bord sont en prison ou ont disparu, les gouvernements successifs n’ont jamais remis en question la tâche ordonnée par la Constituante, confirmant ainsi l’importance de la mission confiée par le Roi à l’un des plus grands navigateurs de l’époque. Au final, c’est en 1797, sous le Directoire, que paraît le document, d’abord compilé en quatre volumes…
Le rédacteur a tenu à respecter l’intention initiale de La Pérouse (de nouveau, merci à Hélène Patris d’avoir retrouvé ces notes de La Pérouse) : « Si l’on imprime mon journal avant mon retour, que l’on se garde bien d’en confier la rédaction à un homme de lettres ; ou il voudra sacrifier à une tournure de phrase agréable le mot propre qui lui paraîtra dur et barbare… ou bien, mettant de côté les détails nautiques et astronomiques… » ; et il précise son choix « Ce rédacteur s’attachera au fond, il ne supprimera rien d’essentiel ; il présentera les détails techniques avec le style âpre et rude, mais concis, d’un marin, et il aura bien rempli sa tâche en me suppléant, et en publiant l’ouvrage tel que j’aurais voulu le faire moi-même »
Au final, ce « style âpre et rude mais concis d’un marin » est efficace, élégant, et n’est pas sans rappeler celui du Voyage autour du monde de Bougainville. De cette incroyable histoire, trois ans de notes, le débarquement de Lesseps au Kamchatka, le naufrage, la Révolution, la Constituante, la fuite ou l’emprisonnement des rédacteurs, la mort du roi, la publication du livre quelques années plus tard, tandis que les ennemis, intérieurs et extérieurs, pullulent, tout ceci montre bien l’importance de cette expédition, et l’inestimable valeur scientifique que les gouvernants de l’époque portaient à ce document.
L’histoire de la rédaction du « Voyage autour du monde… » de La Pérouse nous montre bien d’autres choses. D’abord, si l’universalisme de la France ne veut plus dire grand-chose de nos jours, nous comprenons ce qu’il signifiait à l’époque : la foi dans la diffusion d’informations scientifiques, la foi dans le progrès humain par les avancées dans les sciences, dépassaient les rivalités géopolitiques, commerciales, politiques. Enfin, la volonté de livrer au monde les résultats de l’expédition La Pérouse illustre ce que la mythologie française véhiculée depuis la Troisième République cherche à occulter : la continuité entre l’intention du Roi et celle des Révolutionnaires, le progrès humain, l’acquisition de la connaissance, de toutes connaissances pour le bien et le bénéfice de tous.
Le grand projet de Louis XVI
Louis XVI n’est pas un roi vraiment populaire dans notre histoire. Dépassé par les évènements, ou refusant l’évidence, traître à la Révolution, ses déboires nous font presque oublier au passage la complexité de l’histoire révolutionnaire, puisque la Terreur correspond à la prise de pouvoir des extrémistes (lire certains textes de Saint Just ou de Robespierre reste de nos jours un exercice qui donne la chair de poule), et qu’il est évident que les Révolutionnaires n’avaient aucune intention au départ de se débarrasser du Roi, et que, sans ses erreurs multiples, nous aurions peut être de nos jours une démocratie nord-européenne, c'est-à-dire parlementaire et non pas monarchique.
Or, le vrai Louis XVI, ou plutôt l’autre Louis XVI, c’est l’expédition de La Pérouse qui nous le dévoile. C’est bien pour cela que nous avons choisi de placer le Mémoire du roi Louis XVI du 25 Juin 1785, préparé par le Maréchal de Castries, au début de ce livre. Il nous éclaire sur l’étonnante ambition derrière ce projet. D’ailleurs, il existe peu d’exemples de souverain ou de chef d’Etat associé à une aventure aux facettes aussi multiples, humaniste, scientifique, exploratrice, une aventure qui fait avancer l’humanité, lui offre un bond en avant. On pense évidemment à Kennedy et au projet d’envoyer un homme sur la lune. Ni Louis XVI ni Kennedy ne verront l’aboutissement de la mission qu’ils ont rêvée.
Pourquoi cet intérêt ? On dit Louis XVI pénétré de son siècle et des idées des philosophes de Lumières, et surtout de Montesquieu. On le dit aussi passionné de voyages, de sciences. On imagine aussi que, très influencé par la relation des voyages de Cook, il ait songé aux bénéfices non pas seulement scientifiques mais aussi politiques, commerciaux, militaires, coloniaux (dans un contexte de rivalité intense avec l’Angleterre) de cette expédition.
La lecture du Mémoire est instructive ; elle couvre les principaux aspects de la mission ; elle impressionne par le niveau de détail, par le soin apporté à la planification de la mission de La Pérouse.
Ainsi, la première partie donne un plan détaillé de la navigation, laquelle comprend en théorie 150,000 kilomètres à parcourir en quatre ans. Le Roi « l’autorise à faire les changements qui lui paraîtraient nécessaires dans les cas qui n’ont pas été prévus… ». Le but est avant tout de compléter la cartographie élaborée par Cook. Les instructions impressionnent par leur prudence et un certain humanisme : ainsi Louis XVI demande à ce que les deux frégates ne soient jamais éloignées l’une de l’autre.
La deuxième partie traite des objectifs politiques et commerciaux. A l’époque, l’empire colonial espagnol s’effondre. Et les Anglais et les Français cherchent à s’en emparer. Il est demandé à La Pérouse de faire l’état des colonies portugaises à l’escale de Madère, vérifier l’évacuation des anglais à l’escale de la Trinité, de repérer des îles offrant une position stratégique, comme Georgia. Mêlée à ces considérations géostratégiques, il y a la volonté de comprendre le monde, une vraie volonté anthropologique. Vers la nouvelle Calédonie, les îles de la Reine-Charlotte, il lui est demandé de bien examiner si les conditions de production, le climat, la situation sont propices au commerce ; Louis XVI s’intéresse au commerce des loutres, d’une grande valeur monétaire à l’époque, il demande à La Pérouse une évaluation des forces en présence en des lieux bien précis : anglais, espagnols, russes vers les îles Aléoutiennes ; il s’intéresse aussi aux possibilités de commerce avec le Japon et la Chine, deux empires à l’époque absolument rétifs à toute vraie ouverture vers les Européens. C’est une vraie mission de « renseignement » qui est demandée à La Pérouse, avant tout un militaire, ne l’oublions pas : il fera « toutes les recherches qui pourront le mettre en état de faire connaître avec quelque détail, la nature et l’étendue du commerce de chaque nation, les forces de terre et de mer que chacune y entretient, les relations d’intérêt ou d’amitié qui peuvent exister entre chacune d’elles… ».
La troisième partie est la partie scientifique : compléter les connaissances en astronomie, cartographie, météorologie, connaissances de la faune, de la flore, anthropologiques. La quatrième partie donne des consignes d’engagement et de respect des populations locales avec lesquelles entreront en contact les équipages de l’expédition. La cinquième partie donne des instructions sanitaires extrêmement précises : vivres, entretien, hygiène, afin de se prévenir notamment du scorbut, préoccupation constante de La Pérouse. En fin de quatrième partie, cette phrase : « Sa majesté regarderait comme un des succès les plus heureux de l’expédition, qu’elle pût être terminée sans qu’il en eut coûté la vie à un seul homme. »
Au final, c’est une expédition mûrement préparée, planifiée jusqu’au moindre détail, dans laquelle le Roi s’implique personnellement. Ce n’est pas une exploration au hasard, ce n’est pas un pur voyage scientifique ni une exploration précolonialiste. C’est un voyage aux objectifs multiples : renseignement, cartographique, scientifique, anthropologique et ethnologique, commercial, stratégique. C’est un grand projet pour la France, le tremplin vers une politique extérieure différente. Le Roi ne reverra jamais La Pérouse, et La Pérouse ne reverra jamais la France.
L’influence de Cook
Cook est mentionné à de nombreuses reprises dans le Mémoire du Roi, et La Pérouse l’a constamment à l’esprit. En revanche, il n’existe presque pas de références à Bougainville et à son Voyage autour du monde. Jalousie, absence de chronomètre, ou réputation de Cook ? « Notre route était à peu près parallèle à celle du capitaine Cook en 1777… ». Cook a tout changé à notre vision du monde. En onze ans et trois voyages (premier voyage en 1768-1771, deuxième voyage en 1772-1775, troisième voyage en 1776-1779), Cook apporte plus à la connaissance géographique que tout autre navigateur ou même voyageur de l’histoire, plus que Marco Polo, Ibn Battûta, Zheng Ho, Colomb ou Magellan. S’il suffit d’observer l’itinéraire du deuxième voyage pour comprendre l’évidence, c'est-à-dire que Cook avait pour mission de découvrir le grand continent austral, la mission réelle de La Pérouse était bien de compléter « les blancs laissés par Cook ». La France, sous l’impulsion de Louis XVI, réalisant les difficultés rencontrées dans ses possessions étrangères (défaite au Québec en 1759, défaites en Inde du Sud et prise de Pondichéry en 1761…), veut fonder un nouveau projet français combinant géopolitique et avancée de la connaissance scientifique et ethnologique. Louis XVI est fasciné par l’héritage de Cook ; pour lui, cette expédition va compléter le travail du marin britannique, compléter la cartographie du Pacifique, la mer du Sud. De même que La Pérouse va bénéficier des avancées de Cook en termes d’hygiène, comme nous l’expliquions plus haut, il va aussi bénéficier d’un chronomètre, ce dont ne disposait pas Bougainville, mais que Cook avait en sa possession. Deux hommes eurent un rôle exceptionnel dans la fameuse mesure de la longitude, qui manquait aux navigateurs depuis des siècles : John Harrison, du Yorkshire comme Cook, et le français Ferdinand Berthoud. Il est donc clair que La Pérouse veut égaler, voire dépasser son aîné.
Le voyage scientifique
Sur deux cent trente membres d’équipage, répartis à peu près équitablement entre l’Astrolabe et la Boussole, on compte une bonne vingtaine de scientifiques, artistes, et ingénieurs : des géographes, chirurgiens, physiciens, botanistes, dessinateurs, astronomes, naturalistes, interprètes. Les moyens sont supérieurs, le nombre de scientifiques supérieur à ce que Cook et Bougainville avaient à leur disposition. Comme l’écrit La Pérouse, « Si nous remplissons les vues du ministre, il est certain que ce voyage pourra être cité dans la postérité et nos noms surnager dans l’espace des siècles après ceux de Cook et Magellan. »Ce voyage qui s’inscrit dans la tradition des Lumières, par sa fin tragique clôt les Lumières ?
La Pérouse est conscient de l’importance de sa mission. Méticuleux en tout, on le voit suivre en tous points son plan de route royal ; il quitte des lieux féeriques à contrecœur pour obéir à ses ordres. Il mesure, relève, recense, plante des arbres fruitiers ou des plantes qui selon lui sont nécessaires aux indigènes locaux, il s’émerveille en découvrant des espèces nouvelles, il cherche des correspondances entre les langues, s’étonne des similitudes entre langues polynésiennes éloignées de milliers de milles. Il fait un travail extraordinaire de détail des langues, énumère les mots importants, cherche à en comprendre les bases de la grammaire…Il réalise l’importance des vents dans la création des réseaux humains dans le Pacifique, s’étonne de ceux que certains indigènes lui semblent fourbes, voleurs, cruels, barbares, alors que d’autres sont honnêtes, généreux, modestes, pudiques, ou que d’autres encore soient sales, impudiques…
La révolte de l’homme de terrain
A plusieurs reprises dans son texte, on sent un certain agacement, voire une certaine amertume vis-à-vis des philosophes donneurs de leçon qui n’ont jamais quitté leur foyer : « Les philosophes se récrieraient en vain contre ce tableau. Ils font leur livre au coin de leur feu, et je voyage depuis trente ans : je suis témoin des injustices et de la fourberie de ces peuples qu’on nous peint si bons parce qu’ils sont très près de la nature ; mais cette nature n’est sublime que dans ses masses… ».
Les Editions de Londres voient dans cette révolte de La Pérouse non seulement une réfutation du mythe du bon sauvage, mais aussi les débuts de la révolte des hommes de terrain face au gouvernement de savants, dont plus tard Bakounine montrera les dangers et les excès dans Dieu et l’Etat. Pour nous, c’est la même réaction que celle des navigateurs face à ceux qui restent sur le plancher des vaches, des entrepreneurs face aux économistes de cabinet, des militaires face aux politiques populistes, et en général des hommes du monde réel face aux intellectuels férus d’abstractions sans aucun rapport avec la réalité, préférant leur monde rêvé, leurs petites hétéronomies au travail d’adaptation à la vie.
Le refus du mythe du bon sauvage
Le récit du massacre de l’expédition de Langle est un des grands moments du journal de bord. Nous y voyons une négation du mythe du bon sauvage, une sorte d’anti-politiquement correct de l’époque ? Car La Pérouse refuse toute généralisation, il refuse toute spéculation abstraite basée sur une vague rêverie de la réalité et ne s’appuie que sur ce qu’il observe, ce qu’il voit, ce qu’il décrit. Il est vrai que, du point de vue de La Pérouse, les deux chaloupes envoyées à terre et sous le commandement de Monsieur de Langle ont un but pacifique, que les membres de l’équipage ont été en contact avec les indigènes de l’île de Manua (dans les Samoa), qu’ils ont eu des échanges paisibles, que les indigènes les prennent en traître, et les massacrent ensuite avec une violence inouïe, sans raison apparente, et qu’ensuite ils s’en vantent d’une façon qui laisserait supposer une préméditation dans l’affaire. La Pérouse résiste à l’envie de venger ses camarades, mais il ne résiste pas à l’envie de livrer le fonds de sa pensée ; on le comprend, à moins d’être un saint, on ne peut pas être humaniste sans être aussi humain: « je laisse volontiers à d’autres le soin d’écrire l’histoire très peu intéressante de ces peuples barbares. Un séjour de vingt quatre heures et la relation de nos malheurs suffisent pour faire connaître leurs mœurs atroces, leurs arts et les productions d’un des plus beaux pays de la nature. »
Les débuts de l’anthropologie
Nous l’avions déjà dit à propos du Voyage autour du monde de Bougainville, nous le disons avec encore plus d’aplomb à propos du « Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole» de La Pérouse. La volonté scientifique est ici beaucoup plus vivace, il existe une approche systématique déjà visible, qui dépasse ainsi la démarche un peu « accidentelle » de Bougainville : le travail notamment sur les langues, et l’observation détaillée des mœurs, des caractéristiques physiques, les costumes, les usages, les vêtements, l’histoire, ou ce qu’ils en savent ou en devinent, sur l’île de Pâques, avec les Indiens de Californie, les Indiens du Nord Ouest Pacifique, les habitants du Kamchatka, les réflexions sur les Chinois, les Japonais, les habitants de Mindanao, ceux qu’il appelle les Mores…D’ailleurs, La Pérouse va au-delà de l’anthropologie, il nous propose aussi des réflexions intéressantes sur l’avenir géopolitique de certaines régions : due à sa localisation priviliégiée, il imagine un grand avenir pour la Californie, et il avait carrément raison ! Quant au Kamchatka, là par contre, il a un peu tort…
Sa critique des missionnaires de Californie est à ce titre fort intéressante : il leur reproche leur comportement vis-à-vis des Indiens, « J’avoue que, plus ami des droits de l’homme que théologien, j’aurais désiré qu’aux principes du christianisme on eût joint une législation qui, peu à peu, eut rendu citoyens des hommes… »
Mais nous terminerons sur ces phrases magnifiques, qui rendent bien le vrai esprit des Lumières, résistant ainsi au danger constant que nos interprétations modernes, passées par le prisme de nos valeurs, représentent pour la compréhension de l’évolution des idées et des hommes : ce que nous voulons dire, c’est que l’on n’est pas un précolonialiste lorsque l’on écrit ces lignes. Les mêmes qui passent leur temps à voir dans les grands esprits des Lumières des racistes, des antisémites, des colonialistes, ces mêmes sont caution de gouvernements qui continuent à opprimer des peuples moins bien armés au nom de principes soi-disant moraux et universels. Quelle foutaise. Les voici :« Quoique les Français fussent les premiers qui, dans ces derniers temps, eussent abordé sur l’île Mowée, je ne crus pas devoir en prendre possession au nom du roi. Les usages des Européens sont à cet égard, trop complètement ridicules. Les philosophes doivent gémir sans doute de voir que des hommes, par cela seul qu’ils ont des canons et des baïonnettes, comptent pour rien soixante mille de leurs semblables ; que sans respect pour leurs droits les plus sacrés, ils regardent comme un objet de conquête une terre que ses habitants ont arrosé de leur sueur et qui, depuis tant de siècles, sert de tombeau à leurs ancêtres. Ces peuples ont heureusement été connus à une époque où la religion ne servait plus de prétexte aux violences et à la cupidité. Les navigateurs modernes n’ont pour objet, en décrivant les mœurs des peuples nouveaux, que de compléter l’histoire de l’homme ; leur navigation doit achever la reconnaissance du globe ; et les lumières qu’ils cherchent à répandre ont pour unique but de rendre plus heureux les insulaires qu’ils visitent et d’augmenter leurs moyens de subsistance. » Franchement, nos juges modernes feraient bien d’en prendre de la graine. Bravo La Pérouse !
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