Pour l’intelligence des quatre premiers livres de cet ouvrage, il faut observer que ce que j’appelle la vertu dans la République, est l’amour de la patrie, c’est-à-dire, l’amour de l’égalité. Ce n’est point une vertu morale, ni une vertu chrétienne ; c’est la vertu politique ; et celle-ci est le ressort qui fait mouvoir le gouvernement républicain, comme l’honneur est le ressort qui fait mouvoir la Monarchie. J’ai donc appelé vertu politique l’amour de la patrie et de l’égalité. J’ai eu des idées nouvelles ; il a bien fallu trouver de nouveaux mots, ou donner aux anciens de nouvelles acceptions. Ceux qui n’ont pas compris ceci, m’ont fait dire des choses absurdes, et qui seraient révoltantes dans tous les pays du monde, parce que, dans tous les pays du monde, on veut de la morale.
2°. Il faut faire attention qu’il y a une très grande différence entre dire qu’une certaine qualité, modification de l’âme, ou vertu, n’est pas le ressort qui fait agir un gouvernement, et dire qu’elle n’est point dans ce gouvernement. Si je disais, telle roue, tel pignon, ne sont point le ressort qui fait mouvoir cette montre ; en conclurait-on qu’ils ne sont point dans la montre ? Tant s’en faut que les vertus morales et chrétiennes soient exclues de la Monarchie, que même la vertu politique ne l’est pas. En un mot, l’honneur est dans la République, quoique la vertu politique en soit le ressort ; la vertu politique est dans la Monarchie, quoique l’honneur en soit le ressort.
Enfin, l’homme de bien, dont il est question dans le Livre III, chapitre V, n’est pas l’homme de bien chrétien, mais l’homme de bien politique, qui a la vertu politique dont j’ai parlé. C’est l’homme qui aime les lois de son pays, et qui agit par l’amour des lois de son pays. J’ai donné un nouveau jour à toutes ces choses dans cette édition-ci, en fixant encore plus les idées ; et, dans la plupart des endroits où je me suis servi du mot de vertu, j’ai mis vertu politique.