« Histoires » de Tacite est la description des évènements qui agitèrent Rome et l’Empire de 69 à 96, de la mort de Néron et l’avènement de Galba, jusqu’à la mort de Domitien. L’œuvre initiale comprenait douze livres. Il ne reste que les quatre premiers dans l’intégralité et les vingt-six premiers chapitres du livre V. Si l’œuvre devait couvrir les évènements, les guerres civiles et les règnes de Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus et Domitien, les « Histoires » qui nous restent s’arrêtent à Vespasien.
« Histoires » est très moderne. L’imprécision ou le manque d’objectivité couramment attribué à Tacite par les historiens modernes (mais qui pourrait être généralisé à la majorité des historiens de l’Antiquité) pâlit face à la vivacité de l’écriture, efficace, sérieuse, jamais ennuyeuse, et la constante volonté d’analyse qui sous-tend le récit d’évènements catastrophiques et dont Tacite essaie de tirer de façon non systématique certaines « leçons de l’histoire ».
Tacite a un projet : il veut décrire un lent processus de décomposition de la nation romaine. Avec quel objectif : saluer les Antonins pour lesquels il a officié et qu’il a contribué à restaurer ? Ou alors, déjà tirer des « leçons » de l’histoire dont pourraient s’inspirer des générations futures et les aider ainsi à ne pas répéter ou plutôt à éviter les erreurs de leurs ancêtres ?
« Histoires », c’est aussi le moment de la crise qui agita Rome entre 68 et 70 après Jésus-Christ : en quelques mois à peine, quatre Empereurs passent l’arme à gauche. Il s’agit de Néron, Galba, Othon et Vitellius. A la mort de Néron, Tacite avait treize ans. Cette guerre civile qui marqua son adolescence l’obsèdera toute sa vie. Ce qui est étonnant dans « Histoires », c’est de découvrir que la mort du dictateur fou Néron provoque à Rome plus que la réjouissance, le désespoir. Ce constat de l’amour qu’éprouve le peuple pour le tyran a-t-il inspiré La Boétie pour son Discours de la servitude volontaire ?
A l’origine du projet de Tacite il y a la volonté que la guerre civile jamais ne se répète, il y a l’idée que la légitimité des institutions est le meilleur point d’ancrage pour le futur de la société, que la société doit être protégée d’elle-même, de ses intempérances comme de ses intempéries, et que seule la stabilité d’institutions justes peut garantir la survie à long terme d’une Nation ? Peut-on voir dans la formidable description du drame « shakespearien » de 68-70, les sources de la réflexion moderne sur la chute de Rome que développeront Montesquieu et Gibbon ?
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