Le prince Piotr Alekseïevitch Kropotkine (1842-1921) est un célèbre géographe et l’un des plus grands théoriciens de l’anarchisme. Pour certains, c’est aussi le fondateur de l’anarcho-communisme.
Les cosaques
Issu de la haute noblesse moscovite, Kropotkine a un parcours extraordinaire et tumultueux. Il entre à l’âge de quinze ans dans l’armée impériale russe, est affecté dans un régiment de Cosaques en Sibérie, étudie ensuite les mathématiques et la géographie à l’Université de Saint-Pétersbourg, puis dés 1872 il fait partie de la fédération jurassienne de la Première Internationale. Militant clandestin, il est emprisonné, s’évade, puis se réfugie en Grande Bretagne comme tous les anarchistes. Il repasse en France, est arrêté à Lyon, essaie les prisons françaises pendant trois ans, ce qui lui inspire un ouvrage comparatif, « Dans les prisons russes et françaises ». Il est libéré en partie grâce à l’intervention de Victor Hugo. De retour en Grande-Bretagne, il écrit L’entraide, un facteur de l’évolution, dont les principes, qui préconisent la disparition de l’Etat, du Gouvernement et la collectivisation des moyens de production industriels et agricoles, inspirent l’insurrection d’inspiration anarchiste de Nestor Makhno à travers l’Ukraine.
L’anarcho-communisme...
L’anarcho-communisme c’est pour certains l’anarchisme, pour d’autres, tels que les Editions de Londres, c’est une branche de l’anarchisme dont la juxtaposition au communisme alourdit tellement la branche qu’elle plie, se casse, et s’effondre dans un bruit de bois vert et mouillé. Il faut tout de même reconnaître que l’anarcho-communisme, cela ne sonne pas bien. Attention, les Editions de Londres ne sont pas contre les associations de mots un peu curieuses, créatrices de sens, voire gênantes. A vrai dire, elles les encouragent. Les Editions de Londres sont des inconditionnels du surréalisme et du dadaïsme. En revanche, l’anarcho-communisme, cela ressemble un peu au PRI, Parti Révolutionnaire Institutionnel, ou encore au Revenu Minimum d’Insertion, c’est-à-dire des concepts dont la réalité s’oppose tellement à la théorie qu’ils se paient la tête de ceux qu’ils sont censés représenter. Si cette affirmation paraît indiscutable dans le cas du RMI (le mot insertion est presque une insulte à la face du récipiendaire, puisqu’il n’a aucune chance de s’insérer nulle part, si ce n’est dans la queue pour toucher son chèque), du PRI (rien de révolutionnaire, tout d’institutionnel, surtout la corruption, les orgies organisées et les meurtres politiques commandités), elle doit être modérée dans le cas de l’anarcho-communisme. Kropotkine s’inscrit dans la mouvance de Bakounine et essaie de pallier aux déficiences supposées de son maître à penser, comme beaucoup des anarchistes orphelins qui pullulent en Europe à la fin du Dix Neuvième siècle (et oui, pas beaucoup d’anarchistes politiques aux Etats-Unis). Pourtant, pour résumer, les principaux points communs entre Bakounine et Kropotkine, c’est l’amour de la liberté, l’importance de la révolte, la haine de l’Etat centralisateur et de la brutalité que l’autorité non contrôlée finit toujours par exercer sur ceux qui ont eu l’imprudence de lui confier les clés du pouvoir. Kropotkine reconstruit un quasi-dogmatisme bien intentionné, comme la plupart des socialismes d’ailleurs, mais, influencé par sa vision unilatérale d’un monde humain comparable dans ses structures à n’importe quel monde animal, il oublie l’essentiel, il oublie un des points sur lesquels les critiques anarchistes ne se penchent pas assez, un point que Orwell semble d’ailleurs noter dans sa description de Barcelone pendant ses premier et deuxième voyage : la difficile et irréconciliable contradiction entre l’empathie sociale qui lie les êtres humains entre eux et l’amour inconditionnel de la liberté, dont les manifestations s’opposent parfois aux intérêts de la communauté élargie.
Kropotkinskaïa
On comprend ainsi pourquoi Kropotkine a sa station de métro. Ce fut le point clé de la première visite de EDL à Moscou : pourquoi Kropotkine a sa station et pas Bakounine ? C’est l’une des plus belles stations du métro de Moscou, qui est probablement le plus beau métro du monde. La station est ouverte en 1935, en pleine purge Stalinienne. La conclusion reste ouverte, car si Les Editions de Londres consacreront beaucoup de pages et de titres aux auteurs anarchistes, ses admirateurs comme ses détracteurs trouveront curieux qu’elles commencent avec deux textes de Kropotkine, dont elles récusent certaines des idées. Mais c’est ça, l’esprit EDL, le goût de la confrontation des points de vue. Les Editions de Londres pensent que Kropotkine, dans son effort de construction systématique, trahit certains principes de l’esprit anarchiste, et que ceci n’échappe pas à l’Union Soviétique stalinienne qui voit dans l’anarcho-communisme une belle opportunité de récupérer les débris de la mouvance anarchiste.
Voilà ce que nous apprend une station de métro…
Kropotkine est un grand écrivain. Et la beauté de ses textes est parfois à couper le souffle : La morale anarchiste, L’esprit de révolte, L’Anarchie, sa philosophie, son idéal, Le principe anarchiste, On ne peut pas améliorer les prisons, et La Loi et l’Autorité.
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