Quarante ans après la sortie du premier film (ou quatrième épisode), « La guerre des étoiles » représente la plus importante influence culturelle des cinquante dernières années.
Certains films ont changé le monde : « Le cuirassé Potemkine », « Metropolis », « Citizen Kane », « La grande illusion », « Casablanca » etc. Pourtant, l’importance de ces films tient davantage à leur influence sur les cinéphiles, les futurs réalisateurs et tous les amoureux du cinéma, que par l’impact direct et immédiat qu’ils eurent sur une ou plusieurs générations.
Plus récemment, d’autres films ont suscité un engouement mondial et de similaires effets de culte : « Grease », « E.T. », « Le seigneur des anneaux », « Avatar »…etc. Mais ces effets de culte se sont révélés être avant tout des modes, et ils n’ont pas dépassé le cadre d’une génération.
« La guerre des étoiles », d’abord une trilogie cinématographique pensée dès ses débuts comme une épopée en neuf volets (et dont sept à ce jour ont été réalisés, avec des fortunes diverses), est unique dans l’histoire de l’humanité.
Jamais une œuvre (culturelle, cinématographique) n’a marqué autant d’hommes et de femmes en aussi peu de temps. Ses thèmes, ses personnages, sa musique, ses symboles, son intrigue, son système philosophique et moral, sa vision du monde et de l’histoire, ont fasciné le monde entier. Ses épisodes, ses personnages, ses images, ont profondément transformé la culture mondiale.
Lorsqu’en 1977 sort le premier film (personne à l’époque ne parle de quatrième épisode), l’Amérique vit une époque trouble. Après le Golden Age des années cinquante, le Flower Power des années soixante, les années soixante-dix sont celles de la contestation, de la drogue, du crime, de la crise ; en un mot, c’est l’époque du Doute : Vietnam, Saïgon, LSD, criminalité, inflation, chômage, choc pétrolier, refus des valeurs patriotiques américaines…
Illustrant cette période douloureuse pour les Américains qui détestent douter, dominent les films noirs et sombres, marqués notamment par les chefs d’œuvre sur le Vietnam : « Apocalypse Now » et « The deer hunter ».
C’est alors que sort un film de science-fiction fait avec un budget médiocre et réalisé par un metteur en scène inconnu. Un film de science-fiction épique, optimiste, puisant dans les archétypes démodés des films d’action du passé (Peplums, Westerns, films de guerre…). Sur le papier, cela ressemble à un Space opera comme il y en a déjà eu beaucoup en Amérique (« Flash Gordon », « Galactica »…).
Or, dès les premières images, on comprend que l’on n’a jamais rien vu de tel.
Cette œuvre est si importante, si dense, si multidimensionnelle, qu’à la différence d’un film, on ne peut en faire l’exégèse, on ne peut recenser l’ensemble des grilles de lecture, des interprétations possibles. On peut bien sûr parler de l’histoire, des effets spéciaux, des acteurs, de la musique… mais on ne peut jamais l’appréhender dans sa totalité.
Ce film ne respecte aucune unité de temps, de lieu, d’action. Son fil narratif et ses personnages se développent et s’enrichissent à travers le temps et l’espace. Les personnages principaux meurent, naissent, renaissent, disparaissent, et se suivent par filiations.
Le film des origines (le quatrième épisode) n’est même pas le film du commencement. Ce film et ceux qui le suivent et le précèdent dépassent et outrepassent toutes les conventions cinématographiques.
De même qu’on pouvait ne pas croire aux Dieux Grecs ou Romains au premier siècle après Jésus-Christ, on peut continuer à vivre au début du Vingt et unième siècle en ignorant l’appel au secours de la Princesse Leia.
« La guerre des étoiles » est une œuvre si entière, si totale, si cohérente, si inhumaine par bien des aspects, qu’il est futile de parler du jeu de Mark Hammill, de Carrie Fisher, ou de tous ces autres personnages essentiels, Yoda, Darth Vader, C-3PO, R2-D2, Jabba the Hunt, Chewbacca etc. Seuls Harrison Ford et Alec Guinness sont des acteurs au sens classique du terme.
On peut critiquer le scénario, analyser les thèmes, les effets spéciaux, l’image, les thèmes musicaux…Mais on se rend compte que c’est inutile. Alors, on doit se rendre à l’évidence : « La guerre des étoiles » n’est pas un film. Ni une série de films. Ici, le tout est bien plus grand que la somme de ses parties.
C’est une mythologie.
Et c’est avant tout en tant que mythologie qu’elle doit être traitée.