Qu’est-ce qui peut expliquer le titre et l’objet de cette série dans une collection de polars & romans noirs ?
Il y a d’abord un responsable de collection à la fascination presque maladive pour cette période de l’année. On se permettra au passage de signaler la publication par celui-ci d’un recueil de quatre contes autour du thème du père Noël, Le père Noël ne meurt jamais, écrit conjointement avec Jean-Marie Apostolidès. Disponible bien entendu aux Éditions de Londres.
Il y a ensuite la conviction que Noël est un terreau favorable à l’élaboration de textes noirs. Vous vous dites que nous avons perdu la tête ? Pas si sûr.
Comme le souligne avec amertume la petite amie du héros dans le film Gremlins, la période des fêtes de fin d’années connaît généralement une hausse significative du nombre de suicides. Cette augmentation s’explique par le choc entre l’apparent bonheur ambiant et le combat que certains livrent contre l’envie d’en finir avec la vie. Le père Noël est parfois une véritable ordure.
Sans pousser ses personnages à cette terrible extrémité, l’auteur peut utiliser Noël comme un background qui augmentera l’aspect dramatique de l’histoire, par un jeu de contraste similaire. Il peut jouer également avec le vécu des lecteurs, et en appeler facilement à des images ou à des souvenirs « communs » à beaucoup d’entre eux. Peu de situations permettent de poser un décor et une ambiance de manière aussi économique et précise. De nombreux écrivains – et particulièrement parmi les plus célèbres – l’ont bien compris.
On peut citer notamment Mary Higgins Clark et sa fille Carol, qui collaborent régulièrement pour nous livrer des polars hivernaux. Elles ont signé pas moins de quatre romans à quatre mains : Trois jours avant Noël, Le Voleur de Noël, La Croisière de Noël et Le Mystère de Noël.
Une autre écrivaine de langue anglaise, Anne Perry, est connue pour avoir publié une série de huit courts romans se déroulant à la période de Noël : La Disparue de Noël, Le Voyageur de Noël, La Détective de Noël, Le Secret de Noël, La Promesse de Noël, La Révélation de Noël, Un Noël plein d’espoir et L’Odyssée de Noël. Dans chacune de ces histoires, un personnage secondaire d’une de ses autres séries policières mène l’enquête.
Toujours parmi les maîtres du suspens, Agatha Christie avec Le Noël d’Hercule Poirot s’est également essayée à l’exercice. Tout comme John Grisham avec Pas de Noël cette année, où un couple se voit violemment pris à partie par ses voisins pour avoir décidé de partir en croisière aux Caraïbes à Noël ; ils ne participeront donc pas au concours de décoration du quartier, véritable institution au pays des Yankees. L’écrivain en profite d’ailleurs pour rompre momentanément avec le genre qui lui a apporté le succès et livrer une satire mordante du mode de vie à l’américaine.
On doit cependant avouer que cette tradition du polar de Noël est surtout une affaire anglo-saxonne. Il faut dire que, pour des raisons mystérieuses, Noël est l’objet d’une hystérie collective, tant en Angleterre qu’aux États-Unis. Comment l’expliquer ? Est-ce l’effet de la spirale infernale des fêtes de fin d’années ? Car à Noël et au Nouvel An, on doit ajouter deux autres événements incontournables pour les Américains : Halloween fin octobre et Thanksgiving fin novembre. Noël y est aussi une occasion de célébrer le melting-pot, chacun apportant les traditions propres à son pays d’origine. En Angleterre, la raison est à trouver ailleurs — on n’y fête plus guère Halloween et encore moins Thanksgiving. Le Royaume-Uni ne possède pas de fête nationale, et Noël est donc la fête la plus importante du pays. La Reine (qui est le chef de l’état, même si c’est surtout théorique) s’adresse traditionnellement à la nation ce jour-là. Le 24 décembre n’est généralement pas travaillé, le 25 est férié, tout comme le 26, appellé « Boxing Day » (quoique la plupart des magasins restent ouverts et pratiquent à cette occasion de nombreuses soldes).
En langue française, on ne voit guère que Un Noël de Maigret de Simenon et Les Trois crimes de Noël de Christian Jacq, qui s’essaie à l’occasion au roman à énigme. L’opportunité pour les auteurs des Éditions de Londres de se faire remarquer ?
Un titre en forme d’hommage
Après avoir évoqué (voire invoqué) pour notre première série Jack l’Éventreur – dont les méfaits ont inspiré le nom de la collection –, nous rendons cette fois-ci hommage à un écrivain britannique que nous apprécions particulièrement : Sir Arthur Conan Doyle. « Un Noël en rouge » fait en effet référence à son roman Une étude en rouge, dans lequel Sherlock Holmes fait la connaissance de celui qui deviendra son plus fidèle allié et ami, le non moins célèbre Dr Watson. C’est notamment dans ce récit que naît la fascination du bon docteur pour les capacités de déduction hors norme du détective.
On notera que la série de la BBC Sherlock s’inspire également de ce roman pour son premier épisode, intitulée Une étude en rose. Nous nous permettons au passage de vous conseiller cette excellente série, réussite admirable de modernisation d’un classique, et simplement l’une des meilleures adaptations audiovisuelles des aventures de Sherlock Holmes.