En ces temps modernes où la Poste et le Royal Mail sont devenus des services de distribution de marketing direct et de livraison de produits achetés sur Internet, il est assez étonnant que de plus en plus de nouvelles passent inaperçues. Pourtant, si on les collectionne, comme Les Editions de Londres le font avec les e-books, un tableau assez préoccupant commence à se dessiner sous nos yeux.
D'abord, les rémunerations des grands dirigeants au Royaume Uni ont augmenté de 4,000% en 30 ans. Prenons l'exemple du PDG de Barclays. Il gagne aujourd'hui 169 fois plus qu'un salaire moyen. En 1980, le PDG de l'époque gagnait 13 fois le salaire moyen. Ce qui est d'autant plus amusant, c'est qu'à l'époque Barclays ne devait pas son salut à l'argent déboursé par l'ensemble des contribuables britanniques.
Sur ce sujet, il est également amusant de voir que Virgin Money (Richard Branson) vient de racheter Northern Rock pour une valeur de £750M, c'est-à-dire £400M que la valeur promise aux contribuables quand on leur demanda de payer pour sauver Northern Rock...Si on ajoute à cela le fait que (c'est la rumeur colportée par des députés à Westminster) Richard Branson paie apparemment peu d'impôts en Angleterre, alors on a un scenario croquignolesque.
(A ce propos, pour les français à qui on farcit la tête sur le régime ultra-libéral en Angleterre, sachez que la tranche maximum de l'impôt sur le revenu est à 50%, qu'il n'existe pas de bouclier fiscal, qu'il n'y a pas de système de parts, ce qui veut dire que les familles à revenus "moyens" et "élevés" paient beaucoup d'impôts mais que les salaires "très très élevés" en paient très peu, et ce grâce aux niches fiscales que leurs avocats grassement payés savent trouver pour eux).
Le scénario, le voici. Une banque manque faire faillite, on en fait le sauvetage grâce à l'argent des contribuables. De façon à sauver cette banque puis les autres, qui sont dans cette situation (en 2008) pour les raisons évoquées ci-dessus, c'est-à-dire l'irrésistible appât du gain, et les erreurs de gestion dont la perspective toujours plus alléchante de bonus surdémesurés sont la cause, alors on coupe les dépenses sociales et on augmente les impôts, tout cela dans un contexte de perte d'emploi et d'appauvrissement généralisé. Et on va même plus loin: on finit par vendre ces mêmes banques sauvées grâce aux sacrifices des contribuables à des intérêts privés qui, eux, ne seront pas assez bêtes pour payer leurs impôts au Royaume-Uni, tandis qu'ils gonfleront leurs marges en dérobant encore plus d'argent aux contribuables franchement trop bêtes pour que l'on s'en prive, et en leur refusant des prêts, ce qui les conduira vers encore plus de pauvreté, et donc une dépendance totale.
Finalement, tout ceci est bien cohérent: l'augmentation des salaires des mieux payés, la dette privée, les faillites des institutions financières récupérées par les contribuables, le soldage de capitaux publics à des intérêts privés qui ne paient pas leurs impôts et donc ne contribuent pas à l'effort collectif, la coupe féroce des dépenses sociales. Tout ceci a du sens.
C'est le même scénario qui se répète partout. L'augmentation chronique des écarts de richesse dans les pays occidentaux démocratiques, un écart de richesse qui vient d'atteindre les niveaux de 1920 aux Etats-Unis (oui, nous n'exagérons pas), ce n'est finalement plus assez. Depuis 2008 et l'opération de sauvetage du système financier par les masses payeuses, on a trouvé mieux: faisons casquer les contribuables, même pour nos bonus, au moins eux, ils sont nombreux et ils n'ont pas d'avocats conseil.
Tout ceci montre bien la logique des Etats en place, et la tendance irrépressible à favoriser les intérêts des cliques qu'ils produisent.
Alors, oui, maintenant on comprend pourquoi les Gouvernements démocratiques hésitent toujours à porter le coup de grâce aux services postaux; des nouvelles comme ça, on est bien contents qu'elles passent...comme une lettre à la poste.
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