par Paul Lafargue
Prix : 0,99 €
ISBN : 978-1-908580-47-4
Nombre de pages : 30 pages
Langue du livre : français
Thème : Idées
« Le droit à la paresse » est un essai de Paul Lafargue publié en 1880. C'est un texte historique, pas assez lu, pas assez connu, sans lequel on ne peut comprendre la gauche européenne et surtout la gauche française. Mais c'est aussi un texte sociétal, c'est-à-dire un texte qui met franchement en cause une des valeurs presque institutionnelles de la société occidentale, le travail. En cela, « Le droit à la paresse », en dépit de son ancrage apparemment politiquement marqué, est avant tout un texte iconoclaste: il détruit une idole.
Bon, à moins d'écrire un essai, on ne va pas se lancer dans une exégèse du travail dans la civilisation occidentale, et pourquoi pas une étude comparée de la valeur du travail dans toutes les civilisations, dans l'histoire, et puis dans toutes les géographies ? Et puis pourquoi pas une étude sur les valeurs culturelles attachées au travail selon les civilisations et leur influence sur le racisme ? La colonisation, l'esclavage ? Et en quoi ces valeurs culturelles attachées au travail continuent à conditionner le racisme et la xénophobie à notre époque ? Et on ne va pas non plus se lancer dans l'influence de la Renaissance, des débuts de la révolution technologique, et de ses effets sur le schisme entre l'Eglise Catholique et l'Eglise Protestante ? On ne va pas non plus expliquer pourquoi ce n'est pas nécessairement la diffusion de la Bible en Allemand par Gutenberg qui est à l'origine du Protestantisme ? (on pourrait dire que le Protestantisme commence non pas avec Luther mais avec Jan Hus, donc au début du Quinzième siècle, c'est-à-dire, avant, et non pas aprèsl'invention de l'imprimerie). Et puis on ne va pas se lancer dans l'étude de la dérive religieuse du Calvinisme, loin de la religion Catholique, à la base de la civilisation américaine, et expliquer pourquoi la civilisation américaine, dont la principale distinction actuelle vis-à-vis de l'Europe est l'importance et le côté littéral de la religion chrétienne, se distingue en réalité fondamentalement de l'Europe dans sa relation au travail, et en quoi L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme de Max Weber, c'est avant tout une étude du travail, et que le protestantisme pourrait être considéré comme une justification a posteriori de l'éthique du travail, elle-même née des développements technologiques du haut Moyen-Âge, et de la séparation progressive du monde terrestre de celui du monde divin d'après la peste noire qui décima l'Europe.
Voilà, tout cela, on ne va pas en parler, en tous cas pas aujourd'hui, parce que cela serait trop long, et que Les Editions de Londres ont peut-être trop lu, justement, « Le droit à la paresse ». Ce que l'on dira, c'est que le travail n'a pas toujours été la valeur phare, la valeur segmentante de la société, celle qui sépare les sociétés travailleuses des sociétés feignantes, celle qui sépare à notre époque ceux qui se lèvent tôt, les bons citoyens, ceux qui travaillent dur, les bons Français, ceux qui paient des impôts...des feignants, des marginaux, des immigrés, des banlieues, des assistés, des jeunes, des inactifs. Et oui, jamais le travail n'a été aussi sacré, indiscutable, révéré, central qu'à notre époque.
Et bien, pour les Latins, le travail, c'est le trepalium, une dérivation du mot tripalium, et le tripalium c'est un instrument de torture. Un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transversale, auquel on attachait les esclaves pour les punir, ou les animaux pour les ferrer.
Lafargue commence fort, de ces débuts à bride rabattue comme Les Editions de Londres les aiment : Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture.
Alors là, Les Editions de Londres le demandent solennellement : que ce texte ne soit pas à l'étude dans le programme de l'éducation nationale, n'est-ce pas la démonstration que l'école est avant tout une école de propagande de masse ?
La théorie des Editions de Londres, c'est que tout à notre époque, la morale de notre époque, est un effort de propagande visant à légitimer, glorifier, rehausser le statut du travail, l'ancrer au centre de nos vies et de nos existences. Les exemples, on en a tellement que cela nous épuiserait d'en parler. Alors, comme il a déjà décrit l'essai, on va citer Lafargue : Les capitaux abondent comme des marchandises. Les financiers ne savent plus où les placer ; ils vont alors chez les nations heureuses qui lézardent au soleil en fumant des cigarettes, poser des chemins de fer, ériger des fabriques et importer la malédiction du travail.
Remarquez comme ce qui était bien, fumer des cigarettes, est devenu mal, et comme ce qui était mal, poser des chemins de fer, dont le dégagement de fumées nocives était à l'époque bien supérieur à celui de foyers individuels, est devenu bien. Mais on a beaucoup progressé sur le chemin de l'évolution des valeurs morales. Ceci n'est rien. Avoir un travail c'est bien. Perdre son travail, c'était mal, puis se faire refuser du travail c'est devenu mal, puis se faire refuser un stage non rémunéré, c'est-à-dire du travail gratuit, ou encore de l'esclavage volontaire, c'est devenu mal, et puis ne pas gagner assez d'argent est devenu très mal, tout cela parce que l'on ne travaille pas assez. Avoir son blackberry qui vibre à un enterrement, c'est bien, on est occupé, on est soudain dans la compassion à interruption, celle des demandes du travail. Bientôt, aller à l'enterrement de ses parents avec son Blackberry, ce sera bien, mais à condition de répondre à ses emails dans le parking du cimetière. Oui, en occupant l'avant-scène, puis le centre de toutes nos préoccupations, de notre existence, le travail a bien inversé les valeurs.
Quand vous téléchargerez puis lirez « Le droit à la paresse », il ne fera aucun doute à vos yeux que ce texte a influencé la gauche française, puisque Lafargue, en économiste marxiste aux relents un tantinet anarchistes, en dépit de son affiliation à la famille Marx, dénonce le modèle français d'après-guerre avant même que celui-ci n'existe.
Bon, il démonte aussi les mécanismes de la colonisation : les fabricants parcourent le monde entier en quête de débouchés pour les marchandises qui s'entassent ; ils forcent leur Gouvernement à s'annexer des Congo, à s'emparer des Tonkin, à démolir à coups de canon les murailles de la Chine, pour y écouler leurs cotonnades.
Il dit aussi : C'est en général sur les conditions de la main d'œuvre que se règle la révolution dans les méthodes du travail. Tant que la main d'œuvre fournit ses services à bas prix, on la prodigue ; on cherche à l'épargner quand ses services deviennent plus coûteux. On a déjà le modèle français, le manque d'innovation dans les usines, les séparations de castes entre « cadres » (franchement que ce mot existe encore à notre époque, avec ses relents de service militaire, et d'armée comme colonne vertébrale de la société, nous force à nous arrêter pendant une dizaine de minutes, tellement nous sommes morts de rire ; d'ailleurs on se demande comment la société française travailleuse arrive à aller au bureau en faisant la gueule, sûrement une performance digne de Je te tiens, tu me tiens par la barbichette), et l'importation des immigrés des anciennes colonies, pour ensuite les ranger dans leurs cités dortoir, devenues les banlieues. Comparez au fameux modèle allemand, où l'on considère (mais horreur, c'est tellement provincial...) que les dirigeants n'ont pas la science infuse, que le cache-richesse des grandes écoles n'est pas suffisant pour replacer les enfants de la bourgeoisie à la tête des entreprises qu'ils ont par droit moral, puisque clanique, de diriger, sauf pour les brebis galeuses, celles qui ne font pas amende honorable, et qui n'auront qu'à se débrouiller.
Alors, diront les détracteurs des Editions de Londres, comment peut-on tenir les propos outrageants ci-dessus et à la fois ne pas défendre les trente-cinq heures ? Car il ne fait aucun doute que les défenseurs et les supporters des trente-cinq heures ont lu Lafargue. Cela n'est pas possible autrement : tout y est, le surtravail, la surproduction, les solutions....Et pourtant les trente-cinq heures furent un échec. Un échec et...un argument électoral, dont la mise en place après la victoire du PS en 1997 probablement ralentit le retour à la croissance plus qu'il ne le facilita. Nous expliquerons un jour pourquoi. Mais fondamentalement, Les Editions de Londres pensent que la société française est la victime d'une telle somme de blocages structurels, permanents, que les trente-cinq heures profitèrent surtout aux vrais dominants de la société, qu'ils soient de gauche ou de droite, les cadres supérieurs parisiens. Ces derniers surent si bien manipuler le PS des technocrates qu'ils en obtinrent des vacances en rab avec de la bonne conscience en prime. Tous ces RTT inespérés, il fallut les rentabiliser. C'est alors qu'ils achetèrent des maisons de campagne à tire-larigot dans leurs provinces bo-bo, utilisant en cela l'argent des contribuables, celui qui servit à payer les TGV et les autoroutes grâce auxquels ils se rendent dans leurs maisons de campagne le week-end. Les trente-cinq heures, ce furent ces jours additionnels, qui transformèrent le week-end en long week-end, ce fut l'opportunité d'acheter la maison de campagne dans un marché haussier. Comme toutes les victoires de la bourgeoisie parisienne depuis le Dix Neuvième siècle, les trente-cinq heures furent donc une vaste opération immobilière.
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