par Comte Kerkadek
Prix : 4,99 €
ISBN : 978-1-909053-26-7
Nombre de pages : 163 pages
Langue du livre : français
Thème : Nouveautés!
« Pacifico » est un roman d'aventures initiatique du Comte Kerkadek publié en 2012 par Les Editions de Londres, jeune éditeur numérique aux choix éditoriaux contestés mais résolus.
« Pacifico » met en scène deux personnages principaux, Gaspard Bonhomme et le Comte Kerkadek. La première originalité du roman, outre la préface un peu farfelue de Kerkadek, c'est que le narrateur est le soi-disant disciple de l'auteur, Gaspard, et que l'auteur apparaît sous les traits du personnage secondaire, Léo Le Goff, dit La Pérouse, lui-même comme on l'aura deviné, un caméo de l'auteur, ou plutôt pour utiliser une terminologie bouddhiste borgésienne son avatar, sa réincarnation. Ce jeu entre le narrateur, personnage imaginaire qui se prétend réel, et l'auteur, personnage réel qui se prétend imaginaire, est compliqué par l'existence vite constatée d'un jeu à trois avec le lecteur, lui-même parfois en position de narrateur, ou en dialogue créatif avec l'auteur, lequel prend parfois la plume à la place de son personnage principal, le narrateur, quand celui-ci cesse de narrer, soit pour cause d'affaire sentimentale, soit au lendemain d'une cuite au saké japonais. L'auteur semble souvent prendre l'ascendant sur son narrateur, et à la différence de beaucoup de ces auteurs intimistes qui bénéficient avant tout d'éditeurs à la puissance commerciale démesurée, puisqu'ils peuvent imposer des navets à douze mille libraires innocents, l'auteur semble écouter le lecteur puisqu'il fait évoluer l'histoire au fil de l'intérêt ou de l'ennui de ce dernier. Cette forme de respect annonce de nouveaux standards littéraires, et il faut évidemment saluer l'auteur comme l'éditeur qui introduisent ainsi un dynamisme dans la lecture inconnu depuis Céline et Frédéric Dard.
L'autre originalité de ce roman c'est que ce jeu de miroirs, reprenant au passage le procédé velasquésien introduit dans le tableau des Ménines, s'étend au-delà du jeu à trois entre auteur, narrateur et lecteur. En effet, l'autre personnage clé de « Pacifico », c'est le Docteur Furtado, nain brésilien, vétéran de la seconde guerre mondiale, et surtout fondateur de la principale chaîne de poulets frits du Nord Est des Etats-Unis. Or, le Docteur Furtado, on en parle, on le présente, on raconte sa biographie, sa disparition une nuit sans lune, coïncidente avec le vol de deux Kandinsky à la galerie d'art de Yale, on spécule sur les raisons de sa disparition, son histoire, mais on ne le voit pas. En revanche, on le rencontrera sur la route des deux protagonistes dans la suite de « Pacifico », « Atlantido ». Par sa cruauté, dont on ne sait rien, son esprit démoniaque, que l'on devine, sa petite taille, dont on se moque outrageusement, le Docteur Furtado appartient à une longue lignée de vilains spectaculaires, Moriarty, Fu Manchu, Satanas, mais les dépasse tous par sa barbarie supposée, et surtout son traitement des poulets, dont on sait tout, puisque c'est bien le sujet principal de « Pacifico ».
« Pacifico » est un roman d'aventures situé au Nord Est des Etats-Unis. Le roman campe deux jeunes hommes aux prises avec le monde impitoyable de la chaîne alimentaire du poulet. Leurs aventures sont décrites avec un réalisme larsvantrierien dans la première partie du livre, « Des hommes et des poulets », avant d'atteindre une dimension surréaliste dans la deuxième partie, « Le mystère de l'apoyotl », où on les voit aux prises avec le sens de la vie. Le rythme du livre est infernal, mais subit une accélération type hadron collider dans le but de découvrir non pas le Higgs Boson mais la réalité sur l'apoyotl.
C'est l'histoire de Gaspard et Léo, deux mecs un peu largués des amarres. Ils se rencontrent par hasard dans un restaurant à poulets, et se lient d'amitié. Le lecteur assiste à leur vie quotidienne, au passage un des portraits les plus réalistes de l'Amérique de la fin du Vingtième siècle, à leurs aventures féminines, sentimentales ou copulatrices, à leur apprentissage professionnel, à leurs beuveries, à leurs expériences avec des stupéfiants... Puis, au milieu du livre, ils tombent par hasard sur Lucien, ancien agent de la CIA à la retraite et alcoolique, qui leur sauve la vie, et leur révèle l'existence d'une plante ultramarine qui donne, selon Lucien, l'accès à l'Autre Monde.
C'est alors qu'une forme de scission comportementale s'opère entre les deux personnages principaux, puisque l'on découvre Léo, le caméo de l'auteur, qui s'adonne à une frénésie d'activité sexuelle, sûrement pour oublier, tandis que le narrateur Gaspard se passionne pour la disparition de Furtado et la plante ultramarine, et ce, tout en luttant avec ses pulsions animales qui le poussent dans les tendres bras de Lucy, jeune rousse pulpeuse et récemment pubère, laquelle s'est coupé un orteil par solidarité avec la cause noire nord-américaine. Gaspard convainc son ami Léo de partir vers le Pacifique, rêve des Européens depuis le Dix Huitième siècle, d'où le lien entre le titre éponyme et le surnom de l'auteur (maintenant, on comprend...).
Gaspard et Léo comptent ainsi percer le mystère de la disparition du nain Furtado, en l'occurrence leur employeur, non pas par fayotage professionnel de mauvais aloi pour un public français, mais pour mettre la main sur l'apoyotl, la plante donnant accès à l'autre monde, dans le but non déclaré d'y accéder, justement, à l'Autre Monde...Leur départ, planifié et sans cesse reculé, technique de l'auteur visant à écrémer, à faire le tri entre les lecteurs, est finalement précipité par un drame tardif, pour lequel l'auteur et l'éditeur déclinent toute responsabilité.
Comme nous espérons l'avoir expliqué, ce roman est multidimensionnel. Un de ses aspects, c'est la position politique prise par l'auteur. Il espère que « Pacifico » remettra en cause l'innommable en le nommant, à savoir la société humaine moderne, bâtie sur le traitement inhumain des poulets. La population des poulets s'élève à plus de trente milliards d'âmes, mais n'existe plus que dans des batteries pour poulets, où les traitements qui leur sont infligés par les humains nous renvoient notre image, comme celle d'un enfer boshien. Kerkadek utilise la réalité cachée du poulet pour introduire ainsi une nouvelle réflexion sur la condition humaine.
Pour les passionnés de la théorie de la conspiration, « Pacifico » est évidemment une délectation, un orgasme littéraire. En effet, on y découvre enfin le lien entre la disparition de La Pérouse au large de Vanikoro, la publication des Chants de Maldoror de Lautréamont, l'assassinat de Trotsky à Mexico, l'avance trop rapide de l'armée Rouge en 1944, la recette des tamales de la grand-mère de Santana, et le succès mondial de Woodstock en 1969, année pour le moins érotique. Bon, on ne peut pas vous en dire plus : on outrepasserait notre rôle d'éditeur, et on ne veut pas finir dans la Tamise.
C'est l'objet de « Pacifico ». La lecture du roman de Kerkadek indubitablement rapproche le lecteur du sens de la vie, pourtant évanescent la plupart du temps et dans la plupart des lectures. Le lecteur, plongé au départ dans un ennui profond, technique commune des grands romans (voir les débuts de Le seigneur des anneaux, Notre Dame de Paris ou même Ulysse dans une moindre mesure), le lecteur réalise dés la page soixante-dix le gâchis total qui constitue ce qu'il appelle abusivement sa vie.
C'est dans la deuxième partie du roman que le lecteur commence à voir l'apparition d'un sens qui se lève comme un voile brumeux sur le mystère de son existence. De par le jeu de miroirs précédemment décrit, le lecteur devient un troisième personnage à part entière, et n'a qu'un regret en refermant « Pacifico » : qu'il doive encore attendre la sortie d'«Atlantido » pour connaître la suite.
Comme les dieux hindous dont il est question dans la genèse bouddhiste, « Pacifico » est le fruit de multiples incarnations. C'est la version la plus achevée que Les Editions de Londres ont l'honneur de publier. Quand « Pacifico » commença à se passer sous le caban dans les coins les plus reculés du Finistère, les sous-marins nucléaires de la rade de Brest sortirent leurs périscopes. Quand les critiques littéraires parisiens le lurent pour la première fois, ils en firent un grand feu de joie dont la vue inspira à Ray Bradbury, de passage alors à Paris, la création de Farenheit 451. Quand la mère du Comte Kerkadek lut « Pacifico » pour la première fois (sa première incarnation, la publication des Editions de Londres en constitue la vingt-septième), madame Kerkadek abandonna son château finistérien et partit en Inde fumer dans un hashram avec Alanis Morissette.
Si cette version enfin sortie en numérique va satisfaire l'attente de son lectorat potentiel ou non, nous l'ignorons. Nous croyons simplement que ce roman va changer la relation entre la littérature et le public. Nous croyons qu'il sera probablement responsable d'une chute d'un point dans les recettes fiscales du gouvernement Hollande l'année prochaine, et ce en raison de la stupeur occasionnée à la suite de sa lecture, et du nombre de vocations non productives qu'il suscitera. Gageons que les routes pointant vers l'Ouest américain se peupleront bientôt de jeunes français en mal d'aventures et en quête de surréalisme.
© 2012- Les Editions de Londres
Avis de : Sophie - 2 octobre 2012
A lire vite! C'est vraiment original et bien ecrit, j'ai hate de lire la suite!
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