par Platon
Prix : 0,99 €
ISBN : 978-1-909053-82-3
Nombre de pages : 91 pages
Langue du livre : français
Thème : Idées
« Phédon » est un dialogue de Platon écrit en 383 avant Jésus-Christ et qui décrit les derniers moments de Socrate jusqu'à sa mort suite à l'absorption de la ciguë. « Phédon » serait donc la « suite » de Apologie de Socrate. Si la mort de Socrate fournit le contexte du dialogue, son vrai sujet est bien la spéculation sur la séparation entre le corps et l'âme, et l'immortalité de l'âme.
Au commencement du dialogue, Echécrate demande à Phédon s'il était présent à la mort de Socrate. Phédon lui répond par l'affirmative, et raconte les circonstances précédant sa mort, tandis qu'il attendait en prison. Débute alors la conversation entre Socrate et ses disciples. Socrate évoque le suicide et la mort, il rejette l'idée du suicide, et explique que le sage doit se réjouir de mourir, et qu'il faut être inconséquent pour s'en lamenter. Dans la partie qui suit, Socrate essaie de démontrer à ses disciples et amis que l'âme survit à la mort. La perspective de l'âme qui se sépare du corps et revit est cohérente avec la distinction que fait Platon entre monde sensible et monde des Idées. L'âme retrouve en se séparant du corps un monde intelligible qu'elle n'a quitté que de façon provisoire.
Ainsi : « ...apprendre n'est que se ressouvenir. Si ce principe est vrai, il faut, de toute nécessité, qu nous ayons appris dans un autre temps les choses dont nous nous ressouvenons dans celui-ci ; et cela est impossible si notre âme n'existe pas avant que de venir sous cette forme humaine. ». La quatrième partie commence quand, Simmias et Cébès ayant exprimé leurs doutes, Socrate cherche à les convaincre. Dans la cinquième partie, Socrate explique le mythe d'Hadès, et décrit le chemin qu'ont à parcourir les âmes. Puis dans la sixième et dernière partie, on assiste aux derniers moments de Socrate, l'absorption de la cigüe, la paralysie des membres, et la mort.
Au début de « Phédon », on ne peut qu'être impressionné par la sérénité de Socrate lorsqu'il évoque la perspective de la mort, qu'il refuse le suicide, et qu'il explique que le sage accepte très bien la mort, et que c'est le fou qui la craint. « Le vulgaire ignore que la vraie philosophie n'est qu'un apprentissage, une anticipation de la mort. ». Si ça ne rappelle pas les Essais de Montaigne, alors... Et Socrate d'ajouter : « Ne serait-ce donc pas, comme je le disais en commençant, une chose très ridicule, qu'un homme s'exerce toute sa vie à vivre comme s'il était mort, et qu'il se fâche quand la mort arrive ? »
L'âme appartient au monde du souvenir, au monde des Idées, et le corps au monde sensible. Et c'est pour cela qu'il faudrait être fou pour s'effrayer de la mort, puisque le corps est prisonnier des plaisirs comme de la douleur, qu'il est ancré dans une temporalité et dans un monde probablement illusoire tandis que l'âme appartient à un monde réel, le monde intelligible, à différencier de ce qui nous paraît à nous la réalité, monde des Idées qu'il lui faut enfin rejoindre une fois qu'elle est délivrée du corps : « notre âme est très semblable à ce qui est divin, immortel, intelligible, simple, indissoluble, toujours le même, et toujours semblable à lui-même, et que notre corps ressemble parfaitement à ce qui est humain, mortel, sensible, composé, dissoluble, toujours changeant, et jamais semblable à lui-même. ». Il faut donc se méfier des plaisirs comme de la souffrance puisque c'est bien dans ces instances que le corps subjugue l'âme et lui fait croire que ce qui est illusoire est en fait réel.
A la mort, l'âme est conduite là où l'on rassemble les morts afin de les juger, puis on les conduit dans l'Autre Monde où, au terme d'un temps donné, à la suite de biens reçus ou de maux infligés (en fonction de la conduite tenue au cours de la vie), on les reconduit à la vie « après de longues et nombreuses révolutions de siècles ». Pour Socrate, le chemin qui mène à l'Autre Monde n'est pas simple, contrairement à ce que dit Eschyle. L'âme peut soit suivre son guide, soit résister, céder à la passion, et refuser de suivre son guide, ce qui ne fait que rajouter d'inutiles souffrances, puisque l'âme, qu'elle le veuille ou non, finira par se plier et le suivre. Une fois en présence des autres âmes, si cette âme est impure, les autres âmes l'auront en horreur et la rejetteront, si bien que l'âme impure erre abandonnée, tandis que l'âme pure sera l'amie des Dieux : « L'âme donc, qui est immatérielle, qui va dans un autre lieu semblable à elle, excellent, pur, immatériel, et que, pour cette raison, on appelle avec vérité l'autre monde auprès d'un Dieu bon et sage... ». La mort libère l'âme, la mort est une libération :«L'âme donc, en cet état, se rend vers ce qui est semblable à elle, immatériel, divin, immortel et sage ; et là, elle est heureuse, délivrée de l'erreur, de la folie, des craintes, des amours déréglés et de tous les autres maux des humains ; et comme on le dit des initiés, elle passe véritablement l'éternité avec les dieux... »
Il ne fait aucun doute que la lecture de « Phédon » est une entreprise à la fois réjouissante et surprenante. Finalement, la vision de la vie et de la mort exposées par Platon dans « Phédon » est étonnamment proche du projet chrétien, telle que codifiée par l'Eglise dans les premiers siècles après la mort du Christ et telle qu'elle apparaîtra à la plupart des Chrétiens aujourd'hui. Et cette proximité dans la description de la mort et du royaume des morts n'est pas qu'intellectuelle, c'est également une proximité émotionnelle. Evidemment, tous les mythes de l'Autre Monde imaginent un monde plus heureux, souvent éternel, où les bons sont récompensés et les méchants sévèrement punis, et où il n'existe aucune possibilité de rédemption, ou alors une rédemption difficile et limitée. En ce sens, ce sont évidemment les civilisations athées qui sont à part, et que nos amis athées nous pardonnent, mais les civilisations foncièrement athées (et nous maintiendrons que le mythe communiste n'est pas un mythe athée mais au contraire religieux ; non, la civilisation européenne née dans les années soixante-dix est en revanche une civilisation athée typique), les civilisations athées refusent la mort, sa perspective, son spectacle à tout prix.
Ce qui rapproche Platon de l'Eglise chrétienne, c'est le cheminement de l'âme, la descente aux enfers, le jugement des âmes, la rétribution des âmes pures et la punition des âmes souillées, la rédemption possible des âmes coupables et la punition éternelle pour ceux qui ont commis des crimes gravissimes. D'ailleurs, pour ceux qui ont commis des crimes extrêmement graves, mais ont fait pénitence toute leur vie, là encore il existe la possibilité de rédemption, notion si chrétienne que nous comprenons mal comment Platon peut être enseigné, mentionné, étudié, sans que l'on parle de christianisme. Mais la similitude est également d'ordre émotionnel : outre la description des Enfers, le message est pourtant simple et clair, quel que soit le plaisir que l'on ait ici-bas, la vie est fondamentalement ailleurs. Face à ce message pré-chrétien, le Christ insistera sur la conduite à tenir en ce monde-ci, car, pour le Christ, la vie est ici et pas ailleurs. Formule un peu provocatrice, nous l'accordons : oui, le Christ parle évidemment de vie dans l'Au-Delà, mais nous prétendons que son message concerne avant tout la vie ici-bas. Et ce n'est pas de morale figée, immuable, qu'il parlera, mais bien de tolérance, d'humanité, de compassion. Ce qu'évoque avant tout le Christ quand il parle d'un monde autre, c'est l'espoir. Au code de conduite de Platon, il oppose la liberté humaine. A ces certitudes il oppose le doute. Platon est l'ultime idéaliste, le Christ est le premier, ou l'un des premiers humanistes (voir Prométhée). Aux certitudes de Platon, il oppose l'espoir d'une vie meilleure, mais pour le bénéfice et la consolation dans cette vie là. Alors, Platon et le Christ, les deux influences fondamentalement antinomiques de l'Eglise ? A suivre...
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