par Comte Kerkadek
Prix : 3,99 €
ISBN : 978-1-909053-89-2
Nombre de pages : 174 pages
Langue du livre : français
Thème : Nouveautés!
« Atlantido » est un roman d'aventures du Comte Kerkadek publié en 2013 par Les Editions de Londres. Certains considèrent qu' «Atlantido » est la suite de Pacifico. D'autres le nient. Certains prétendent qu' « Atlantido » serait autobiographique. D'autres réfutent cette affirmation, et menacent toute personne prise en flagrant délit de propagation de cette rumeur des pires sévices.
Réalisant que nous vivons à l'époque des sequels et des prequels, le Comte Kerkadek a toujours rêvé d'écrire un prequel à Pacifico. Et pourtant, conscient du contrat de lecture qui le lie à son immense lectorat, se répandant sur la terre et dans l'espace à la vitesse d'un virus de destruction massive, et auquel il a promis (au lectorat, pas au virus) une suite à Pacifico, bien conscient également de l'enfer sur terre qu'est devenue l'existence de ces nombreux lecteurs depuis que, suspendus à la dernière phrase de Pacifico, ils comptent les jours, les minutes, les semaines qui les séparent de la sortie de « Atlantido », et en oublient le boire, le manger, la fonction reproductive, le Comte a décidé de leur donner ce qu'ils attendaient, non pas du pain et des jeux, mais bien une suite, car ainsi est l'homme, rationnel, cherchant à faire du chaos qu'est le monde un espace vivable, ordonné, en quelque sorte humanisé.
Donner une suite à Pacifico neuf mois après la sortie explosive de ce dernier, c'est un double message qu'adresse le Comte au monde. C'est bien entendu, en ces temps de crise, économique, politique, crise de la représentation, c'est la volonté de l'auteur d'écouter son lectorat, d'accéder à ses désirs, mais aussi de relancer la consommation, contribuant ainsi modestement aux efforts de relance publique, ce qui, nous l'espérons, sera bien vite reconnu comme un gage de bonne citoyenneté. C'est aussi un symbole. En effet, neuf mois séparent Pacifico de la sortie de « Atlantido », le temps d'une gestation humaine. Par cette métaphore temporelle, le Comte Kerkadek souhaite réaffirmer son attachement sans failles à la procréation naturelle, sans pour autant prendre parti pour ou contre l'avortement; en effet, il pense déjà au potentiel de ses livres dans les coins les plus arriérés des endroits les plus obscurantistes. Il faut le comprendre. Tout le monde doit vivre, non ?
Mais alors, « Atlantido », suite ou commencement ? Après mûre réflexion, nous dirions sans hésiter qu'il s'agit bien de la suite de Pacifico, mais qu'il aurait très bien pu s'agir du commencement. A vrai dire, c'est un peu au choix. Tout dépend des conceptions cycliques du lecteur. S'il croit à l'éternel retour, ou s'il a déjà exploré les fentes de Young, son opinion sera différente. Et si certains lecteurs veulent ne voir aucun lien entre Pacifico et « Atlantido », c'est également libre à eux.
Certains lecteurs prétendent qu'en écrivant « Atlantido », le Comte Kerkadek se serait en quelque sorte plagié, qu'à une époque d'autoflagellation, il aurait choisi l'autoplagiat, crime légalement acceptable, mais moralement répréhensible. C'est faux, comme la plupart des choses que l'on entend de nos jours. En revanche, il existe un certain nombre de similitudes entre les deux ouvrages. En voici quelques unes : les deux protagonistes reviennent, en fait ils ne sont jamais partis, le Docteur Furtado envisage toujours de dominer le monde en accédant le premier à l'Autre Monde, en en massacrant tous les habitants, et en soumettant l'Autre Monde à un plan quinquennal avec objectifs d'augmentation annuelle de quinze pour cent de la production brute. Et puis, c'est toujours les États-Unis, on y cherche encore plus l'apoyotl, c'est toujours la fin des années quatre-vingts, le style y est toujours aussi grandiose, surranné par moments, un peu excessif, mais pour la bonne cause, puisqu'il faut tout de même bien préparer le lecteur à l'entrée dans l'Autre Monde.
Ils sont nombreux, ce qui met à mal la thèse de l'autoplagiat. Il existait dans Pacifico une claire intention de faire réfléchir le lecteur, de le plonger dans une sorte d'extase métaphysique, l'invitant à se pencher sur son existence, ses actes, ses espoirs déçus, et ce en ayant recours à la parabole des poulets comme ressort de la maïeutique océanique de l'auteur. Mais en faisant ce choix, le Comte prenait un risque. Ainsi, certains lecteurs se prirent un peu trop au jeu, quittèrent leur femme, leur employeur, firent leur coming out, partant sur la route dans un quête métaphysique dont la plupart ressortirent bredouille, développant au final une certaine rancœur à l'encontre du Comte, ce qui le peina beaucoup quand il en prit connaissance au travers de lettres d'insulte qu'il reçut en son hameau de Kerkadek, pas loin de Guimiliau.
Pacifico était un roman initiatique fait de stops & gos permanents, reflétant ainsi l'état existentiel de l'homme, contraste vivant, partagé entre des choix multiples, et refusant souvent de faire le grand saut, vers l'inconnu, vers la rupture avec une vie ennuyeuse de soumissions et de compromis.
« Atlantido », ce n'est pas ça. L'auteur a fait un choix narratif un peu plus classique, moins en « tableaux » successifs. L'action commence à cent à l'heure, et ne ralentit presque jamais. Ainsi, si Pacifico était plutôt un long adagio, fait de quelques allegro, « Atlantido », c'est bien un long allegro, ponctué d'allegretto à couper le souffle, et de quelques adagio bien piqués des hannetons, mais qui toutefois stop short d'une introspection trop profonde, de peur de perdre le lecteur trop fragile. La relation avec le lecteur est d'ailleurs plus intime, plus profonde, paradoxalement, dans « Atlantido ». En cela, c'est un antiroman plus qu'un roman à clés, ou un roman initiatique, ou encore néo-picaresque.
A force de parler de l'Autre Monde, le Comte Kerkadek, nous convie à le suivre, et nous fait découvrir...l'Autre Monde, ce qui est quand même vachement généreux de sa part, reconnaissons-le. A la suite de Gaspard et Léo, le lecteur est invité à une petite visite guidée de l'Au-Delà, et ce pour le même prix, ce qu'il appréciera puisque finalement tout le monde doit bien mourir un jour. Nul doute que l'auteur sera vilement copié comme il l'a été à de multiples reprises depuis la publication de Pacifico, mais être copié, n'est-ce pas la rançon logique du succès ?
On retrouve Gaspard et Léo au moment où ils doivent fuir la charmante bourgade de New Haven, laquelle, suite à leur départ précipité, sera le théâtre d'affrontements interethniques d'une violence inouïe, qui ne laisseront pas grand-chose debout de cette charmante ville autrefois tranquille. Gaspard et Léo sont au début du roman dans une situation un peu compliquée. La police du Connecticut est à leurs trousses, leurs anciens amis sont en prison, ou presque, leur maison, dont ils étaient au final de simples occupants, est la proie des flammes. De plus, ils sont accusés de détournement de mineure, d'orgie dans une chambre froide, trafic de drogues, perversion du cours de la justice, association de malfaiteurs, et j'en passe...Ils n'ont plus de revenus, plus d'amis en liberté, plus de moyens de subsistance. Mais surtout ils sont chargés d'une mission, retrouver l'apoyotl avant que le Docteur Furtado, leur ancien employeur, et accessoirement un nain génie du Mal, Fu Manchu de l'Occident comme il aime à être surnommé, ne mette la main sur la plante océanique avant eux. Et ce serait problématique puisque l'apoyotl est cette plante rare, océanique, qui pousse au fond du Pacifique, mais qui permet l'accès direct à l'Autre Monde, c'est-à-dire l'Au-Delà. Or, les desseins du Docteur Furtado sont franchement mauvais : il veut s'en emparer, l'utiliser à son profit exclusif, afin de dominer le monde, nouvelle tâche qu'il s'est fixée, vu qu'il s'ennuie maintenant qu'il domine entièrement le monde des poulets avec sa chaîne de restaurants Furtado's.
Quand « Atlantido » commence, Gaspard et Léo sont au volant de leur Buick (enfin pas tous les deux, c'est Léo qui conduit), et ils fuient la police. Ils se réfugient à New York, ou plus précisément Tompkins Park, ils se mêlent habilement à la faune locale, un peu comme des caméléons, et ils font de mauvaises rencontres, manquent trépasser, ce qui évidemment poserait problème pour la suite de leurs aventures, mais sont sauvés in extremis par un personnage tombé des cieux, et pourtant d'apparence humaine, un personnage qui n'est autre que...
C'est ce que certains prétendent. C'est ce que l'auteur dit, avec une certaine suffisance. Le Comte Kerkadek est persuadé que l'ère du roman classique touche à sa fin. Mais il ne croit pas du tout que des expérimentations comme Ulysse ou le Nouveau roman soient pérennes. Il pense que le roman, pour des raisons historiques, civilisationnelles, économiques (le prix du papier, la taille des sacs à main, la surpopulation dans le métro...) doit faire sa mutation. L'antiroman, dont il est à ce jour le principal théoricien, suit un certain nombre de caractéristiques. L'antiroman engage une nouvelle relation avec le lecteur, le narrateur lui parle, l'interpelle, le fascine parfois. Le narrateur n'est pas l'auteur. Le Comte est bien conscient de l'égoïsme qui consiste à multiplier les fonctions sous prétexte d'être l'auteur, et ainsi en temps de crise le Comte embauche. Gaspard est donc le narrateur, converse avec l'auteur, lequel parfois prend la parole. L'antiroman cherche à effacer la frontière séparant le réel du fictif. Il mêle donc les deux, en l'espèce des souvenirs autobiographiques du Comte, des faits réels, comme la tentative de Furtado de dominer le monde par l'acquisition de l'apoyotl, le cover up du Gouvernement américain, avec des faits inventés, comme la ville de Big Pine, Californie, qui en réalité existe, et s'appelle Lone Pine.
L'antiroman est surtout le produit d'un inversement de pôles, un peu comme dans les expériences de chimie, où le pôle négatif devient positif, et...inversement. A une époque où le roman, par peur du réel, du beau, du grandiose, s'enferme dans un malthusianisme littéraire, visant au néant sémantique, avec des personnages falots, introspectifs, repliés sur eux-mêmes, et des mots qui pèsent si peu qu'ils disparaissent et s'évaporent avant même que le livre ait été ouvert, le Comte prétend avec son antiroman redonner du poids aux mots, à l'histoire, aux parenthèses, et surtout nommer les choses telles qu'elles sont, sans précautions langagières, sans mots couverts, sans murmures étouffés, le Comte rejette la littérature foetale, et croit à l'expansion de l'univers. En cela, par son antiroman, il revient aux sources même du roman, telles qu'elles furent explorées au début du Dix-septième siècle et au Dix-huitième siècle.
© 2013- Les Editions de Londres
Avis de : Catherine - 15 novembre 2013
J'ai adoré: aventure, satire, action, outrecuidance, que dire de plus?
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