La morale anarchiste, petit essai écrit en Français par le paradoxal et formidable Kropotkine, est un cri poussé dans l'enfer du Dix Neuvième siècle. Si sa critique de l'ordre bourgeois dans lequel lui et ses camarades anarchistes de tous les pays se démènent comme des bêtes prises au piège ne peut être qu'applaudie, on grince un peu des dents quand l'auteur nous expose ses théories « animalières » sur la société humaine. Reste un message, de taille, aussi formidable qu'il est quotidiennement bafoué : il ne peut se concevoir de liberté humaine sans égalité fraternelle.
Commentaires
1. 26 avril 2012
La morale anarchiste
Bravo pour votre choix éditorial : ce court essai philosophe est remarquable. Comme vous, je ne suis pas d'accord avec tout. J'ai toutefois noté trois idées justes de l'auteur :
La nature profondément égoïste de l'individu. Une idée lucide déjà émise par Max Stirner en 1845 dans L'Unique et sa propriété, un des textes fondateurs de la pensée libertaire individuelle. Stirner affirme que les altruistes ne sont que des égoïstes qui cherchent leur plaisir dans celui des autres. Kropotkine ne dit pas autre chose. Il illustre fort bien son propos avec la femme qui donne son manteau à un nécessiteux, quitte à ressentir le froid elle-même car savoir que l'autre a froid tandis qu'elle est au chaud lui serait encore plus douloureux.
La moralité et l'instinct de solidarité. Ils nous viennent du fond des âges. Sans l'instinct de solidarité, beaucoup de races animales n'auraient pas survécu. C'est un produit de l'évolution.
L'énergie passionnelle et créatrice est une surabondance de vie qui s'exprime :
« Le sentiment moral du devoir, que chaque homme a senti dans sa vie et que l'on a cherché à expliquer par tous les mysticismes. ‘ Le devoir n'est autre chose qu'une surabondance de vie qui demande à s'exercer, à se donner ; c'est en même temps le sentiment d'une puissance'. Toute force qui s'accumule crée une pression sur les obstacles placés devant elle. Pouvoir agir, c'est devoir agir. Et toute cette « obligation » morale dont on a tant parlé et écrit, dépouillée de tout mysticisme, se réduit ainsi à cette conception vraie : la vie ne peut se maintenir qu'à condition de se répandre. ‘La plante ne peut pas s'empêcher de fleurir. Quelquefois fleurir, pour elle, c'est mourir. N'importe, la sève monte toujours !' conclut le jeune philosophe anarchiste. Il en est de même pour l'être humain lorsqu'il est plein de force et d'énergie. La force s'accumule en lui. Il répand sa vie. Il donne sans compter — sans cela il ne vivrait pas. Et s'il doit périr, comme la fleur en s'épanouissant — n'importe ! La sève monte, si sève il y a. Sois fort ! Déborde d'énergie passionnelle et intellectuelle — et tu déverseras sur les autres ton intelligence, ton amour, ta force d'action ! »