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Les Editions de Londres sont nées d'une congruence d'évènements assez bizarres, sans lesquels tout n'aurait pas été pour le mieux dans le meilleur des mondes.
L'idée des Editions de Londres a surgi dans l'esprit du fondateur un beau matin de Janvier 2011, dans un hôpital de l'Ouest de Londres, à quelques pas du laboratoire même où un certain Fleming inventait la pénicilline.
Une fois surgie, l'idée mûrit, s'épanouit et prit forme. Un site plus tard (merci à mes amis de Webconforme) et nous sommes en Juillet 2011, acte de naissance de la petite maison d'édition en ligne qui n'a pas peur des grandes, et qui, du haut de son île, battue par les flots déchaînés, réchauffée par le Gulf Stream (parenthèse : il est essentiel pour une maison d'édition ambitieuse de bien comprendre les courants), s'est donnée comme objectif de transformer le monde de l'édition.
Radicalement et sans compromis.
Rien que ça.
D'ailleurs, transformer le monde de l'édition parisien, germanopratin en l'occurrence, cela va encore, mais encore faut-il comprendre pourquoi. Car dans les grandes entreprises, c'est le pourquoi qui dévoile l'intention, cristallise les émotions, fédère les envies autour d'un objectif qui devient si fort, si renversant qu'on en oublie de respirer.
La litanie des raisons qui poussèrent à la création du site sont au nombre de sept, comme les jours de la semaine qui suffirent à créer le monde, les nains amoureux de Blanche-Neige, les années de malheur qui suivaient chaque élection présidentielle, celles qui suivent les bris de glaces, et naturellement les sept merveilles du monde.
-# La pauvreté actuelle du paysage littéraire français : eh oui, un jour, j'en eus assez des rentrées littéraires limitées au même quarté gagnant, des queues de pékins en procession pour faire dédicacer leur petit roman par Gonzague Saint-Bris au Salon du Livre de Brive-la-Gaillarde. J'en ai eu assez de Paris, le désert littéraire français.
-# L'Internet change tout. Franchement, quelle chance nous avons ! Quelle était la probabilité pour notre génération de tomber pile sur le démarrage d'Internet ? Des changements fondamentaux de la technologie, de la diffusion de l'information, des comportements sociétaux, de l'accès à la connaissance, cela n'arrive qu'une fois tous les cinq cent ans. Faîtes le calcul.
Or, l'Internet commence à peine à transformer le monde des livres. Nous y revenons...
-# Dés maintenant. Oui, l'envolée des e-books a commencé. Régulièrement, Amazon annonce davantage de ventes d'e-books que de livres papier. Bon, c'est un peu dans l'intérêt d'Amazon de nous dire cela...Mais le message que j'essaie de vous faire passer, c'est que, comme dans la publicité en ligne pour mobiles, le décollage a commencé, car dans l'Internet, tout finit toujours par arriver.
-# Le développement du livre numérique, en modifiant le comportement du lecteur, contribuera à l'évolution de l'ouvrage écrit, de la même façon que l'invention de l'imprimerie est à l'origine du roman, celle du TGV a fait décoller les ventes des polars suédois, et la généralisation des récepteurs de télévision dans les foyers français dans les années cinquante est à l'origine de la chute des ventes de poésie. On va vers la résurgence de formats oubliés, la création de formats nouveaux, de même que le roman fut créé par Cervantès en 1605, en pleine époque du théâtre Elizabéthain.
Des formats plus courts, des feuilletons directement téléchargeables sur un e-reader, un iPad, ou un smartphone. Vive la révolution numérique !
-# L'influence de la littérature française s'écroule. Entrez dans une librairie anglaise ou allemande : Houellebecq, peut être Nothomb, et c'est tout.
Aux Etats-Unis, rien. On commence à l'entendre à l'étranger : à force de ne rien produire d'intéressant, la France perd son aura de patrie des Lettres. Pourtant, le système de l'édition à la française est unique. Nulle part on ne trouve autant de maisons d'édition indépendantes actives ; hors, à l'exception des Particules élémentaires, peu de choses intéressantes sont sorties dans le bon Royaume de France au cours des quinze dernières années.
La situation est paradoxale. Et si un environnement dont le but est de préserver était incompatible avec l'épanouissement créatif ?
-# La qualité de ce qui se publie en France s'écroule aussi. Combien de livres récents subsistent dans les mémoires au bout de quelques années ? A confondre le monde du livre avec celui de la musique ou du cinéma, à vouloir sortir à tout prix des succès commerciaux, on s'expose à l'inévitable : à peu près soixante mille livres publiés chaque année, avec une moyenne à sept cents livres publiés pour les meilleures maisons d'édition, les puissantes, celles qui ont pognon sur rue.
Tout ceci ressemble malheureusement à la chronique d'une mort annoncée. Tout le monde sait bien que le numérique, en dépit de ses enthousiasmantes perspectives, a une certaine tendance à privilégier les économies d'échelle, donc la short head et à la rigueur, si elle est bien sage, la long tail, ce qui veut dire malheureusement que le ventre mou, le milieu des ouvrages à potentiel mais avec peu de chance d'exploser en librairie dés les premières semaines, est en grand danger, et avec eux le futur de la littérature française, donc notre capacité à penser de façon indépendante.
-# Le modèle économique actuel de l'édition ne fonctionne plus. Et n'en déplaise à certains, le modèle économique de l'édition française, ce n'est pas l'Homme qui valait trois milliards, nous n'allons pas le reconstruire, nous n'en avons ni les moyens ni la possibilité technique.
Nous allons au contraire joyeusement nous efforcer de le détruire, puis de le refonder.
En effet, voici une industrie avec une pléthore d'offre, des producteurs pas payés du tout, ou très mal (étude Editions de Londres: le salaire horaire de l'écrivain français est en dessous de celui des pêcheurs Hakkas du port d'Aberdeen, pourtant payés au lance-pierres), des risqueurs qui passent leur temps à faire faillite et donc à être rachetés (lire « L'édition sans éditeurs» de André Schiffrin chez nos amis de La Fabrique), et surtout une chaîne économique dominée par les acteurs de la distribution, qui prennent la majorité des marges, mais pas de risque, et qui au final multiplient les références dans des points de vente qui diminuent, avec une qualité perçue qui s'écroule, et puis ils paient les éditeurs des clopinettes, ce qui ne les encourage pas vraiment à prendre des risques fabuleux.
Après plus de dix années dans l'économie numérique, le gâchis créatif et économique du processus de sélection des manuscrits, ces trois ou quatre mille tapuscrits boudinés qui arrivent par la poste chaque mois sur les bureaux surchargés de minuscules PME qui sortent dix ouvrages par an, tout cela reste stupéfiant.
Voilà, ces raisons, et beaucoup d'autres nous ont donc poussé un jour à sortir de notre bain comme Archimède, et à courir, nu dans les rues de Londres, poursuivi par des Policemen flegmatiques, en criant : « Oui, nous pouvons le faire ! »