Henri Beyle, ou Stendhal, est un écrivain français né à Grenoble en 1783 et mort à Paris en 1842. Il est surtout connu pour ses romans, « Le Rouge et le Noir », « La Chartreuse de Parme », et « Lucien Leuwen ». Avec Hugo, Balzac, Flaubert, Zola, il est considéré comme l'un des plus grands romanciers français du Dix Neuvième siècle.
Henri Beyle naît à Grenoble le 23 Janvier 1783. Son enfance est marquée par l'amour pour sa mère, le désastre émotionnel qui suit sa mort lorsqu'il n'a que sept ans, la haine pour le père, la passion précoce pour les femmes, compensation vis-à-vis de la perte de la mère adorée ( ?), l'influence de son grand-père qui l'initie aux livres, à la culture, à Voltaire, son dégoût de l'autorité injustifiée, et des prises de position souvent à l'opposé de celles de sa famille ; ainsi, il sera Républicain, antimonarchiste, antireligieux, développera une haine profonde pour les bourgeois et les villes de province, en un mot, féru de liberté, celle dont il ne jouit pas pendant l'enfance. Il se réjouit de l'exécution de Louis XVI, se sent patriote, est transporté par le spectacle des Dragons qui traversent Grenoble, et cherche par tous les moyens à quitter sa ville. Il entre à l'Ecole Centrale de Grenoble, école nouvellement créée par la Révolution, se passionne pour les mathématiques, puis part à Paris pour entrer à l'Ecole Polytechnique.
C'est le lendemain du coup d'Etat du 18 Brumaire que Stendhal arrive à Paris. De façon « surprenante » pour un républicain, il ne voit pas l'ascension de Bonaparte comme une mauvaise chose, mais franchement, ses ambitions sont plus prosaïques à l'époque : les femmes, et « écrire des comédies comme Molière ». Vite déçu par sa nouvelle vie parisienne, il déchante, tombe malade, puis finit par rejoindre la Grande armée.
Il traverse la Suisse, et là il tombe amoureux de l'Italie, et principalement de Milan. Pour lui, c'est « le plus beau lieu de la terre » : monuments, cafés, femmes, arts, et la Scala, évidemment, la Scala, à l'époque comme aujourd'hui, l'un des plus beaux opéras du monde. Suite à une syphilis, il repart pour Paris en 1801. Il sort beaucoup, se lie avec des femmes, mais avec difficulté, c'est-à-dire qu'il tombe beaucoup amoureux, mais n'arrive pas toujours à ses fins. Il part pour Marseille, essaie de se faire banquier, échoue par manque de fonds (encore son père...), et devient franc-maçon. Il part ensuite pour l'Allemagne, dont il n'aime ni la nourriture ni la littérature, puis Vienne, qui l'enchante. Il assiste à la guerre. Il repart pour Paris en 1810. Son amitié avec son cousin Martial Daru lui permet d'obtenir une place d'auditeur au Conseil d'Etat. Mais il s'ennuie, souffre en amour, comme toujours, encore des liaisons, encore des amours déçus, et il repart pour l'Italie dés 1811. Il retrouve Angela Pietragrua, la maîtresse d'un de ses amis dont il était tombé amoureux lors de son premier passage milanais, il lui avoue sa passion, part pour les îles Borromées, Bologne, Florence, puis Naples. Il commence l'« Histoire de la peinture en Italie », mais il repart avec la Grande Armée pour la campagne de Russie. Il connaît la retraite, le passage de la Bérézina, rentre à Paris, est envoyé à Sagan, retourne en Italie, visite Venise et le lac de Côme. Puis il retourne à Milan, reprend sa comédie « Letellier », et réécrit son « Histoire de la peinture en Italie » dont il avait perdu le manuscrit pendant la retraite de Russie. Il découvre Lord Byron et le Romantisme Anglais, il lui fait visiter Milan.
En 1817 paraissent « Histoire de la peinture en Italie » et « Rome, Naples et Florence ».
Il rencontre Matilde Viscontini Dembowski, celle qu'il appelle Métilde, et qui sera son plus grand amour. Il est expulsé de Milan par les Autrichiens, car soupçonné d'adhérer au mouvement patriote carbonariste. Il retourne à Paris, publie « De l'amour », soutient le mouvement romantique avec « Racine et Shakespeare ». Il publie son premier roman, « Amance », est à Paris pendant la Révolution de Juillet, écrit Le Rouge et le Noir en 1830, puis est nommé Consul à Trieste. En 1831, il est nommé à Civitavecchia. Il écrit mais n'achève pas Lucien Leuwen en 1834, Vie de Henry Brulard en 1835. Puis en 1839, les « Chroniques Italiennes », et La Chartreuse de Parme. Il meurt en 1842.
En faire la liste est impossible : celles qu'il a eues, celles qu'il aimées, celles qu'il a retrouvées ; Stendhal a un problème avec les femmes. D'abord, la perte de la mère adorée encore enfant, et la haine subséquente pour le père. Et puis « Je n'ai jamais eu le talent de séduire qu'envers les femmes que je n'aimais pas du tout. Dés que j'aime, je deviens timide et vous pouvez en juger par le décontenancement dont je suis auprès de vous. ». Alors, au plus « révolutionnaire », plus italien, plus élégant de nos romanciers dix neuvième siècle, nous dédions ces femmes : d'abord sa mère, sa sœur Pauline Beyle, puis Virginie Kubly, Angela Pietragrua, Adèle Rebuffel, Madeleine Rebuffel, Victorine Mounier, Mélanie Guilbert, Wilhelmine Von Griesheim, Alexandrine Daru, Angelina Bereyter, Matilde Viscontini Dembowski, Giuditta Pasta, Clémentine Curial, Alberthe de Rubempré, Giulia Rinieri, la Comtesse Cini...
Lorsqu'il y a bien des années j'ai découvert les romanciers du Dix Neuvième siècle, je me souviens d'avoir tout de suite aimé Stendhal. Pourquoi ? Etait-ce pour être différent ? Etait-ce parce qu'il était moins « grand public », ou alors était-ce parce que son écriture se prenait moins au sérieux ? Ce dont je me souviens, c'est d'avoir tout de suite aimé Le Rouge et le Noir, roman que Hugo détesta. C'est d'avoir aimé (tout en m'ennuyant par moments) La Chartreuse de Parme, que Balzac célébra, toutes ces histoires d'amour qui n'en finissent pas ne me semblaient pas bien sérieuses à l'époque, et d'avoir aimé Lucien Leuwen : d'ailleurs, pourquoi ai-je ce curieux goût pour les romans inachevés ?? (Lucien Leuwen, Bouvard et Pécuchet...). Je me souviens que Balzac me plaisait mais ses personnages me paraissaient trop grossiers, caricaturaux, et aussi ce parfum de mélodrame.... Zola, si j'avais beaucoup aimé Germinal, le reste me semblait à l'époque (je parle de l'adolescence !) pathétique, grandiloquent, et parfois ennuyeux. Chez Flaubert, cette obsession académiquement déclarée pour la virgule qui tombe juste était en opposition complète avec ma foi dans le spontané, dans l'inspiration du moment, avec son pendant idéologique : trop de perfection tue l'humain. Quant à Hugo, si j'ai adoré Les Misérables, il fallait que j'oublie ce sentiment mélodramatique permanent et que je me concentre sur l'action, les scènes magnifiques, un peu comme un film désuet dont on aime les effets de lumière ou les couleurs surannées ici et là, un peu l'effet d'Autant en emporte le vent mais pour la littérature. En revanche, déjà adolescent j'aimais la littérature du Dix Huitième siècle, ses dialogues, son humour, la cocasserie des situations, l'absence de descriptions, une certaine musicalité de la phrase, l'action interrompue par des réflexions, parenthèses et digressions. Si Stendhal n'est pas un écrivain Dix Huitième siècle, si c'est un romantique indépendant par la vie et par les choix, il garde le recul et un certain cynisme des Lumières.
Stendhal écrit de façon non feuilletonesque, élégante, et se concentre sur la psychologie de ses personnages, au lieu de se prendre pour un deus ex machina comme ses contemporains. De plus, ses romans ont un personnage central, avec lequel on peut s'identifier. La société et la situation politique qui servent de toile de fond sont peintes avec justesse et réalisme. L'argent, qui obsédait tant ses contemporains romanciers, Zola, Balzac, Flaubert, n'est pas très important. Pas de descriptions trop longues de maisons, ruelles, toilettes, salons...Et enfin, Stendhal innove peut être aussi avec l'utilisation de quasi monologues intérieurs, et une perspective sur l'action qui tourne autour de la perception du personnage principal, et n'est pas nécessairement « celle de l'auteur », qui jouerait de ses personnages comme d'un spectacle de marionnettes. Comparés à Stendhal, les grands romanciers du Dix Neuvième siècle ont un problème : la formulaisation du roman ; trop de structure tuerait-elle la nature, c'est-à-dire un certain réalisme et surtout un certain spontané ? Mais n'oublions pas que Stendhal appartient à un autre temps : s'il commence à écrire à peu près à la même époque que Balzac ou Hugo, il s'arrête beaucoup plus tôt. En cela, il ne connaîtra jamais le siècle bourgeois que jusqu'au début du règne de Louis-Philippe, siècle qui pénétrera et pervertira jusqu'à la littérature : structure, effets programmés, multiplicité de personnages, caractères caricaturaux, écriture qui cherche des effets au lieu de les trouver... La littérature française actuelle ne s'en pas encore remise, elle ne s'en est pas libérée.
On ne peut apprécier Stendhal sans comprendre son amour pour l'Italie : entre les visites, îles Borromée, Milan, Parme, Bologne, Florence, Rome, Venise, Naples, et ses séjours, Trieste, et sa passion pour Milan qu'il découvre dés 1800. Stendhal aime tout de l'Italie : ses femmes, ses actrices, ses cafés, son histoire, ses monuments, sa musique, son architecture, ses opéras, sa diversité, et même sa politique. Il écrira ses « Chroniques Italiennes », son « Rome, Naples et Florence », son « Histoire de la peinture en Italie ». L'étude de la peinture italienne influencera considérablement son art littéraire, le fera se concentrer sur l'élégant, le beau, le resserré, au lieu de se répandre en emphase, en flamboyant comme Hugo qu'il n'aime pas ou Chateaubriand qu'il déteste. Il en fera le cadre de son roman le plus célèbre, La Chartreuse de Parme, il y retournera régulièrement pour échapper à Paris qu'il n'aime pas vraiment. Heureusement que Stendhal ne connut jamais le Paris du Second Empire. Car franchement, quand on a la Fenice ou la Scala, qu'est-ce donc que l'Opéra Garnier ?
© 2012- Les Editions de Londres
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