Max Stirner est un philosophe allemand né en 1806 à Bayreuth, en Bavière, et mort à Berlin en 1856. De son vrai nom Johann Kaspar Schmidt, il est surtout connu pour L'Unique et sa propriété, qui créa un remous assez monumental à sa sortie en 1844, mais qui fut ensuite oublié, puis redécouvert fin du Dix-Neuvième siècle. Pour Les Editions de Londres, Stirner est le contre-hégélien par excellence. Elève de Hegel, il en est l'un des grands pourfendeurs devant l'éternel. L'influence de Stirner sur les courants libertaires et anarchistes est extraordinaire. S'il existait une conspiration internationale des partisans, des adorateurs de l'Etat, thaumaturge ou tout-puissant, L'Unique et sa propriété serait banni, brûlé, honni, oblitéré de leur monde. C'est évidemment pour ça que nous le publions.
On sait assez peu de son enfance, si ce n'est qu'il naît à Bayreuth, amenée à devenir la ville de Wagner, qu'il perd son père quand il a six mois (artisan sculpteur de flûtes, il meurt de la tuberculose), et que sa mère se remarie avec un pharmacien. La famille part pour Kulm, en Prusse, où son beau-père acquiert une pharmacie. Johann Kaspar retourne ensuite à Bayreuth, puis il étudie à Erlangen, et ensuite à Koenigsberg. En 1833, il arrive à Berlin. Il obtient son diplôme au bout de huit pénibles années d'études. Il y étudie la philosophie, l'histoire de religions, et la philologie, comme à peu près tous les intellectuels de l'époque.
C'est Félix Vallotton, qui illustra entre autres De Mazas à Jérusalem de Zo d'Axa, qui fit le portrait que nous avons choisi : lunettes d'acier, et un front proéminent, d'où le pseudo de Stirner (Stirn= front). L'air un peu anonyme de l'introverti qui porte un monde nouveau en lui. Et c'est bien ce que fera Stirner, mais nous n'en sommes pas là.
A Berlin, il suit les cours de Hegel et d'autres. Il obtient un diplôme assez difficilement, et après avoir épousé la fille de sa logeuse, laquelle meurt en couches en 1838, il enseigne dans un lycée de jeunes filles dés 1839. C'est en 1841 qu'il commence à fréquenter les Freien, société de jeunes intellectuels excités qui refont le monde, composée de Bruno Bauer, Ludwig Buhl, Karl Nauwerck, Arnold Ruge, Engels...Les Freien se réunissaient dans des bars à vin, notamment sur Friedrichstrasse. En typique introverti, d'après les témoignages (et Engels prétend l'avoir bien connu), Stirner participe peu aux débats, et encore quand on lui demande son avis. Le reste du temps, il observe en fumant un cigare. C'est facile de dire ça, mais l'importance d'observer...tout ce que l'on ne fait pas quand on est jeune, que l'on mange à sa faim, que l'on boit comme un trou et que l'on veut refaire le monde...Enfin, passons. Il écrit un peu, critiques de textes, divers articles, « Le faux principe de notre éducation », « Art et religion », et même un article sur Les mystères de Paris d'Eugène Sue. Il épouse Marie Dähnhardt, et puis en 1844, c'est la bombe. De la dynamite : L'unique et sa propriété.
Anglophone et francophone, il traduit le «Dictionnaire d'économie politique » de Jean-Baptiste Say, puis La Richesse des Nations d'Adam Smith. Il devient crémier, et il fait faillite. La fin de sa vie n'est pas rose, sa femme le quitte, il est criblé de dettes, il va en prison deux fois pour dettes, il meurt des suites d'une piqûre de mouche charbonneuse. Heureusement que nous laissons sur terre autre chose que nos misérables enveloppes physiques. Stirner est enterré au cimetière de Sainte-Sophie à Berlin.
Stirner naît à une époque de changements extraordinaires en Allemagne. D'abord, sa population passe de 1815 à 1845 de vingt-cinq à trente-cinq millions d'habitants. Avec la montée en puissance de la Prusse, les centres industriels et commerciaux poussent un peu partout, et Berlin fait déjà concurrence à Vienne pour la prééminence de la sphère culturelle allemande. Sous l'impulsion de la Prusse, l'union douanière est réalisée en 1834 (le Zollverein). En gros, en l'espace de trente ans, qui est l'époque de Stirner, on a une multiple convergence de changements brutaux et radicaux, explosion démographique, prémices de la révolution industrielle, qui conduira à l'enrichissement de la classe bourgeoise, sa montée en puissance politique, l'exode rural, la ruine des petits artisans, l'agitation sociale dans les villes, l'explosion des idées portées par Hegel et Feuerbach.
Le monde intellectuel berlinois de l'époque se divise entre vieux hégéliens et jeunes hégéliens (rappelons qu'Hegel meurt en 1831). Les vieux hégéliens, emmenés par Gabler, tendent vers le Théisme. Les jeunes hégéliens, ce sont les hégéliens de gauche, avec Bauer à leur tête, le groupe que suivra Stirner à ses débuts. Les jeunes hégéliens ne retiennent d'Hegel que cette fascination pour l'Etat naissant (et quand on dit que les mouvements de pensée à la mode sont indépendants des contextes historiques...) et tendent vers le matérialisme et la dé-spiritualisation, influençant aussi bien le socialisme, le communisme que Stirner.
Outre Hegel et Feuerbach, les Freien et les jeunes hégéliens connaissent les socialistes français, qui ont une influence importante sur la pensée berlinoise de l'époque : ce sont Babeuf, Saint-Simon, Fourier et évidemment le vrai père des anarchistes de gauche, Proudhon.
L'influence de Stirner est considérable. Nietzsche sans aucun doute. On pourrait presque dire qu'une grande partie de l'œuvre de Nietzsche est une poétisation du texte de Stirner. Mais aussi Marx et Camus...Aujourd'hui, Stirner reste l'un des rares philosophes « de droite », ou disons différents, qui soient respectés des anarchistes de gauche. Même s'ils n'en comprennent pas le prétendu égoïsme, individualisme, libertarisme, ils admirent la critique radicale de l'Etat et son athéisme.
C'est à l'allemand d'origine écossaise ou l'écossais d'expression allemande Mackay que l'on doit beaucoup des choses que l'on sait de Stirner. D'ailleurs, comme l'explique Henri Lasvignes dans sa remarquable postface, cette réhabilitation de Stirner par Mackay suit à dix ans près la même chronologie que la redécouverte de Stendhal.
© 2012- Les Editions de Londres
par Max Stirner
ISBN : 978-1-909053-75-5
Date de parution : 20 janvier 2013
Nombre de pages : 365 pages
« L'Unique et sa propriété » est un essai philosophique de Max Stirner publié en 1844. Pour les libertariens, les anarchistes, les individualistes de tous bords, « L'Unique et sa propriété » est un des ouvrages de référence, voire l'ouvrage fondateur qui pense et conceptualise la nécessité de la (...)
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