Plaute, ou Titus Maccius Plautus, né à Sarsina, dans l'ancienne Ombrie, en – 254, et mort à Rome en – 184, est le plus célèbre des auteurs comiques latins. Très influencé par Ménandre, il fut certainement la principale influence du théâtre classique, notamment Shakespeare et bien entendu Molière.
Né à Sarsina, en Ombrie, l'actuelle Emilie-Romagne, il part à Rome pour s'y lancer dans le théâtre. Il est d'abord machiniste de théâtre ou alors il construit des théâtres en bois, donc il est charpentier, en fait, on ne sait pas...Il devient même acteur, il gagne un peu d'argent, l'investit dans le commerce maritime, où il perd l'argent gagné dans le théâtre, puis devenu meunier (?), il écrit des pièces où très rapidement il rencontre le succès et même la gloire.
Ainsi, comme vous le voyez, on ne sait vraiment pas grand-chose sur Plaute...
D'abord, leur nombre : Plaute était un auteur assez prolixe, voire prolifique. On dit qu'il aurait écrit cent trente pièces. L'érudit Varron au 1er siècle distingue parmi les pièces apocryphes, celles qui sont probablement de Plaute, et celles qui le sont certainement. Ces dernières sont appelées les Fabulae Varrionanae, et elles sont au nombre de vingt et un. Les textes nous viennent de deux sources principales : le « palimpseste ambroisien », et les « Codices Palatini », retrouvés à Heidelberg.
Les vingt pièces en question sont, dans l'ordre alphabétique : Amphitryon, Asinaria, Aulularia (La Marmite), Bacchides, Captivi, Casina, Cistellaria, Curculio, Epidicus, Menaechmi, Mercator, Miles Gloriosus (Le soldat fanfaron), Mostellaria, Persa, Poenulus, Pseudolus, Rudens, Stichus, Trinummus, Truculentus.
C'est au dix-neuvième siècle qu'un énorme travail philologique a été entrepris afin de reconstituer au mieux les textes originaux de Plaute. Le problème n'est pas avec la traduction du Latin, contrairement à beaucoup de textes de langues moins « claires », mais c'est bien « l'érosion » du texte après vingt-trois siècles d'histoire : copié, recopié, annoté, changé, perdu, quel était donc le texte original ?
Si Rome n'est pas à son apogée économique et militaire, c'est toutefois une sorte d'âge d'or que la période où vit Plaute. La République romaine existe depuis deux siècles et demi, et domine déjà la péninsule italienne. Nous sommes encore loin des querelles entre César et Pompée ou de celles qui opposeront Octave à Marc-Antoine et conduiront à la fin de la République et à l'Empire, longue période de déclin moral dont l'ultime étape est la chute de Rome.
Pourtant, l'époque de Plaute, c'est aussi celle des guerres puniques, c'est-à-dire de l'affrontement entre Rome et Carthage au cours de trois guerres, qui restent probablement les plus étudiées de l'antiquité, et qui s'achèvent avec la victoire de Rome et la destruction de Carthage en – 146. A partir de la fin de la deuxième guerre punique, la Méditerranée occidentale tombe progressivement sous la coupe de Rome. Puis, suite à la victoire de Zama en -202, qui clôt la deuxième guerre punique et se solde par la défaite d'Hannibal, dés – 201, Rome engage la deuxième guerre macédonienne, en s'appuyant sur le monde Grec contre la Macédoine. En cent ans, correspondant approximativement à la période de Plaute, Rome passe d'un statut de petite République régionale à celui de plus forte puissance de la Méditerranée. C'est le début de l'hégémonie.
Le théâtre de Plaute s'inspire beaucoup du théâtre Grec. Les noms sont souvent Grecs, les sujets empruntés la plupart du temps aux auteurs de théâtre comiques de la Comédie Nouvelle, Ménandre principalement, auquel Plaute emprunte la Cistelluria, les Bacchides, le Miles Gloriosus, mais aussi d'autres auteurs comiques grecs, dont on a tout perdu, comme Philémon (il lui emprunte la Mostellaria, Mercator, Trinummus) et Diphile (Casina).
La comédie de Plaute appartient à la Comaeda Palliata, c'est-à-dire la comédie du pallium (ou le manteau grec). Nous n'allons pas faire un historique de la Comédie Ancienne, Comédie Moyenne (les deux premières correspondant à en gros à Aristophane), et Comédie Nouvelle, ce serait un peu long, et nous ne sommes pas des spécialistes. Non, ce qu'il est important de noter en revanche, c'est que la liberté d'expression n'était pas la même dans la Rome de Plaute et dans l'Athènes d'Aristophane, de la fin du Cinquième siècle et du début du Quatrième, pourtant en proie à la guerre quasi permanente contre Sparte, aux dernières convulsions d'une démocratie malade, mais où Aristophane utilise la comédie bien sûr pour faire rire, rire aux dépens des autres, mais aussi afin de diffuser son message politique, contre les tyrans en herbe comme Cléon, contre les va t-en guerre, contre le système judiciaire corrompu, contre les Sophistes et Socrate, contre Euripide et pour critiquer la société de son époque, une génération déjà prise en tenailles entre la culture de l'héroïsme qu'il retrouve dans Eschyle et celle de la victimisation qu'il abhorre chez Euripide et Socrate, et qu'il juge responsables de la dégradation des mœurs athéniennes et de la fin de la démocratie (héroïsme et victimisation sont des références directes à l'ouvrage de Jean-Marie Apostolidès). La Comédie Nouvelle, dont s'inspire Plaute, serait-elle le produit de la réduction de la liberté d'expression, rappel s'il en est que le progrès humain n'est pas un processus linéaire ?
Dans la Rome du Troisième siècle, la Rome de la République, on ne pouvait pas utiliser le théâtre pour diffuser des messages politiques. Et pour ceux qui croient que la Cinquième République, c'est beaucoup mieux, si l'expression de la plupart des opinions politiques et sociales n'a rien d'illégal, la censure de fait qui existe dans notre pays interdit, étouffe ou met au pilori toute opinion s'écartant de la Bien-Pensance et de la pensée commune. Si cette situation n'est pas entérinée par la loi, elle est entérinée par les faits : l'alliance des politiques, des médias, des lobbies sociaux organisés, et du monde culturel promeut une pensée, une opinion ; et s'en écarter, c'est l'acharnement médiatique, ou l'ostracisme.
S'il s'inspire beaucoup des pièces de Ménandre, il les latinise afin de les rendre compréhensibles pour le public romain de l'époque. Derrière la structure, les personnages, les intrigues à la Ménandre, Plaute apporte une verve nouvelle, un rythme rapide, des retournements de situation brutaux et qui renouvellent ainsi l'attention, mais aussi des jeux de mots, des inventions de langage, l'adoption d'un latin moins classique, afin de rendre la vérité des dialogues, le cru, le familier, mais aussi l'inventivité du langage de la rue.
C'est cette combinaison entre l'adoption de la structure de la comédie nouvelle, débarrassée des Dieux Grecs ou presque, des allusions politiques, pour se concentrer sur la vie quotidienne, la famille, la maison, la généralisation, l'institutionnalisation d'intrigues et de personnages types qui ont influencé tout le classicisme au théâtre, le rythme d'une action dynamisée, l'ajout d'un comique de situation plus marqué, et surtout des dialogues plus verts, familiers, empruntant à la verve et la richesse langagière, une certaine outrance et parfois l'homogénéité du parler populaire, c'est-à-dire le langage non domestiqué, c'est cette combinaison, ce mélange, qui nous fascinent ; en un mot, c'est la Farce, telle qu'elle influencera le Moyen-Âge et l'âge classique, et Plaute en est probablement l'inventeur.
La récurrence de personnages types aux caractéristiques marquées distingue Plaute d'Aristophane. Passons-les rapidement en revue :
Le vieillard avare : il est toujours près de ses sous, rarement pauvre, obsédé par l'argent et par ce que procure l'argent, comme la chair fraîche ; il est égoïste, ridicule, mais pas toujours idiot. Plaute invente le type, on le retrouve évidemment dans Molière avec Harpagon, Beaumarchais avec Bartholdo...
L'esclave malin : c'est un personnage omniprésent chez Plaute. Il vole son maître toujours, ment comme il respire, prend parfois partie pour les jeunes amoureux contrariés dans leurs desseins d'union, davantage pour se jouer de son maître que par sens aigu de la justice ; ceci donnera naissance à nombre de descendants célèbres, les fameux valets Mosca, Sganarelle, Scapin, ou Figaro.
Le soldat fanfaron : le sujet d'une pièce éponyme chez Plaute, vain, pleutre, menteur, ce personnage est bien la démonstration que la Farce est le pendant, plus populaire, à la culture héroïque telle qu'illustrée dans les tragédies épiques. Il donnera le Capitan, Tartarin de Tarascon...
Elle est essentielle. Nous le considérons comme l'inventeur de la Farce. Nous comprenons aussi que, à la différence de nombreux textes grecs ou romains, provisoirement oubliés, Plaute était lu au bas Moyen-Âge. Cette « continuité » de la lecture de Plaute est d'ailleurs intéressante. Peut être influença t-il la farce du Moyen-Âge ? En tous cas, sans aucun doute, il influença Shakespeare avec les Menaechi ou la Comédie des Erreurs, Ben Jonson, Molière avec L'avare, ou Amphitryon, et jusqu'à Beaumarchais ?
© 2013- Les Editions de Londres
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